Bouanani, la mémoire tatouée

« Tous les pays qui n’ont plus de légendes seront condamnés à mourir de froid ». C’est avec cette citation de Patrice de La Tour du Pin que l’Association Les Archives de Bouanani donne le coup d’envoi d’un travail digne de la personnalité du réalisateur et romancier Ahmed Bouanani, décédé en 2011.

C’est grâce à sa fille Touda Bouanani, artiste et vidéaste, qui a fait le choix ultime, depuis 2011, de se consacrer à la préservation et à la valorisation de l’œuvre et des archives laissées par sa famille.

Cette dernière est composée d’un trio exceptionnel dont on trouve une présentation brève et conçue résumant ainsi un destin très particulier d’une famille de cinéma: « Ahmed Bouanani (1938-2011), monteur de formation, est « un illustre inconnu ».

Connu pour avoir réalisé un unique long-métrage, Le Mirage en 1980, pour avoir écrit un unique roman L’hôpital (1990, Al Kalam) et un unique recueil de poèmes Les persiennes (1980, éditions Stouky), Bouanani a pourtant aussi réalisé quelques très beaux courts-métrages (6 et 12, Mémoire 14, Les Quatre sources), et surtout laissé derrière lui une quantité incroyable de manuscrits (scénarii, essais, romans, poèmes, etc.).

 

 

 

 

 

Naïma Saoudi Bouanani, disparue en 2012, autodidacte, a commencé comme costumière, décoratrice et assistante de son mari, avant d’utiliser ces compétences sur d’autres tournages, où elle a aussi travaillé comme productrice exécutive voire réalisatrice. Batoul Bouanani suivait les traces de sa mère jusqu’à sa mort prématurée en 2003″, tirée du site, https://archivesbouanani.wordpress.com

Dans cette aventure si délicate, Touda Bouanani, est accompagnée par un précieux collectif qui a su que l’entretien de la mémoire est une chose vitale pour une société qui veut s’inscrire dans les temps modernes. Le travail de cette équipe est prodigieux car cette initiative est habitée par le souci de faire revivre cette mémoire qui détient en elle l’apport de cinquante ans du cinéma marocain.

L’objectif n’est pas seulement la construction d’un musée. Mais la mise en place de toute une action qui vise à créer un musée vivant où seront organisés in situ ou hors les murs des expositions, des ateliers pour les enfants, des rencontres et des projections. Ce programme sera porté par des intervenants Daoud Aoulad Syad, Ahmed Boughaba, Driss Ouaamar, Ali Essafi, l’ÉSAV DocLab, Kabareh Cheikhats, Jamal Souissi, Touda Bouanani, Safaa Bendhibaa et Mostafa Dziri.

Le projet « Les Archives de Bouanani », nous rappelle la complexité de notre relation que notre société entretient avec l’archive. Le constat est probant et révèle un déficit extraordinaire au niveau de la sauvegarde de la mémoire dans notre pays. Sans l’archivage, les traces sont vouées à une perte inéluctable. C’est pour cela que la citation de Patrice de La Tour du Pin, trouve toute sa légitimité dans ce contexte où une prise de conscience de ce vide doit sonner le glas. Car ce vide peut semer le chaos dans l’esprit des générations à venir. Une société sans histoire à raconter est une société vouée à l’errance.