Maroc 2024: Entre promesses de développement et crises profondes

Par: Othmane WARDI*

Selon les indicateurs démographiques et socioéconomiques de 2024, le RGPH dévoilent une série de défis majeurs, révélateurs de l’échec persistant des politiques de développement au Maroc. Le vieillissement accéléré de la population, conjugué à une baisse significative de la fécondité, constitue une menace pour la dynamique démographique nécessaire à la vitalité économique. En 2024, la proportion des personnes âgées de 60 ans et plus atteint 13,8% de la population totale, soit environ 5 millions de personnes, un chiffre en nette progression par rapport aux 3,2 millions en 2014 (9,4%). Le rythme annuel d’accroissement des seniors est estimé à 4,6%, bien plus rapide que celui de la population générale, dont l’augmentation se limite à 0,85%. La baisse de la natalité est également manifeste, avec une diminution de la part des jeunes de moins de 15 ans, passant de 28,2% en 2014 à 26,5% en 2024. En parallèle, la population en âge d’activité (15-59 ans) reste majoritaire mais en déclin, passant de 62,4% à 59,7%.

Le chômage demeure un problème structurel, notamment pour les jeunes, avec un taux national de 21% en 2024. Ce phénomène est exacerbé par la fuite des cerveaux et un exode durable vers l’étranger, privant le pays de son capital humain. Les membres de la diaspora marocaine, perçus comme des acteurs stratégiques grâce à leurs transferts financiers, se heurtent à une absence de politiques inclusives permettant de renforcer leur contribution au développement national. Sans grande surprise, le responsable a précisé que l’indice de fécondité a atteint 1,97 enfant par femme en 2024 : « Aujourd’hui, chaque femme marocaine donne naissance à moins de deux enfants, ce qui est inférieur au seuil de renouvellement des générations », signalant une évolution démographique qui pourrait avoir des conséquences profondes à long terme. Ces éléments confirment les limites d’un modèle économique qui, loin de garantir une prospérité partagée, approfondit les fractures sociales et régionales.

Sur le plan agricole, le Plan Maroc Vert, vanté comme un moteur de transformation, se révèle être une stratégie en demi-teinte, voire trompeuse. S’il a boosté les exportations agricoles, il a négligé la sécurité alimentaire nationale et accentué les inégalités entre petits agriculteurs et grandes exploitations. Les monocultures orientées vers l’exportation épuisent les ressources en eau, aggravant une crise hydrique critique. Ce modèle à court terme, dicté par des impératifs politiques ou économiques externes, manque de vision stratégique pour garantir un développement durable.

Sur la scène internationale, le Maroc évolue dans un contexte où les modèles occidentaux de développement révèlent leurs limites. Les démocraties libérales, en quête de renouveau économique, peinent à maintenir leur leadership tout en faisant face aux effets du vieillissement démographique et à l’érosion de leurs systèmes sociaux. En parallèle, des pays comme Singapour ou le Rwanda, malgré des régimes autoritaires, démontrent qu’un leadership fort et une planification rigoureuse peuvent engendrer des résultats économiques impressionnants. De même, des pays communistes comme la Chine et le Vietnam intègrent des mécanismes de marché au sein de cadres politiques centralisés, affichant des croissances remarquables. Ces contrastes montrent que la réussite économique dépend moins de l’adhésion stricte à un modèle politique ou social donné, mais plutôt de l’efficacité des politiques publiques et de la capacité à conjuguer vision stratégique, gestion efficace et adaptation aux mutations mondiales.

Les pays de l’OCDE, bien qu’étant parmi les plus riches au monde, alertent sur l’urgence d’un « réarmement démographique ». Le vieillissement de leurs populations met en péril leurs systèmes de protection sociale et leur compétitivité économique. Cette dynamique historique révèle une impasse : après avoir atteint un stade avancé de consommation et de confort, ces modèles peinent à se réinventer. Face à cette réalité, le Maroc doit se doter d’une vision économique et sociale qui ne soit pas une imitation servile des paradigmes occidentaux. Une approche fondée sur ses spécificités culturelles, économiques et géographiques, et attentive à ses ressources humaines, pourrait offrir des solutions adaptées pour surmonter ses défis actuels.

* Chercheur en Sociologie et Philosophie Politique