POUR QUI ROULE LE MINISTRE MEHDI BENSAID ?

Lorsque le 16 octobre 1957, Albert Camus apprend que le prix Nobel de littérature lui sera attribué le lendemain, il fut envahi par « une sorte de panique » qu’il a matérialisée dans ce discours de réception prononcé le 10 décembre 1957 à l’Académie de Stockholm: « De quel cœur recevoir cet honneur quand, en Europe, d’autres écrivains, parmi les plus grands, sont réduits au silence ».

Je n’ai pas trouvé mieux que Camus, le « Sisyphe heureux » du journalisme moderne, pour commenter ce qui arrive actuellement à notre profession. Des confrères et consoeurs, parmi les plus grands et les plus anciens, se sont vu refuser leur « carte de presse ». J’en connais qui justifient pourtant d’un long parcours, presque trentenaire, ponctué de quelques glorieux faits d’armes et qui méritent, bien plus qu’une « carte » qui n’a d’ailleurs jamais servi à grand-chose, une récompense pour de précieux services rendus au métier d’informer et à leur patrie.

Que s’est-il alors passé pour que des confrères et consoeurs essuient cette insoutenable et inacceptable ingratitude, cette inconsidération, voire ce mépris de la part d’une tutelle censée les protéger contre les pressions, les menaces, les tentations du chantage, la précarité financière… pour continuer à pratiquer ce métier qu’ils aiment?

Au nom de « la bonne gouvernance des médias », cette tutelle-là est en train de creuser la tombe de ces mêmes médias. Le décret ministériel relatif au soutien de la presse vient en rajouter à une situation déjà intenable, du fait de l’assèchement de la manne publicitaire, souvent distribuée aux copains et… autres coquins.

Ce décret risque de pousser bien des médias à mettre la clef sous la porte, privant ainsi notre très chère patrie d’une réelle force de frappe médiatique face aux ennemis du Royaume qui sont légion. Mehdi Bensaïd n’a qu’à jeter un oeil sur l’Algérie pour constater que son régime, pourtant inculte et férocement hostile, valorise ses journalistes et leur facilite la tâche.

En ces moments délicats, il ne faut surtout pas se tromper de combat. Il faut se garder de tirer sur ses propres troupes…