Maroc: pourquoi l’industrie automobile tourne au ralenti

Les chiffres relatifs au marché automobile au titre du premier semestre de l’année 2022, à l’import comme à l’export, montrent une dynamique mitigée, alors même que ce secteur clé de l’économie marocaine semble avoir fait preuve d’une certaine résilience durant la crise sanitaire.

Après deux années de pandémie marquées par la fermeture de plusieurs usines à travers le monde, voilà que les contextes géopolitiques et sanitaires internationaux, à l’origine d’une inflation globale, contraignent les constructeurs à la réorganisation de leurs process, en raison de la rupture d’intrants, et bouleversent les perspectives de développement du secteur automobile mondial.

La perturbation des chaînes d’approvisionnement dans le monde, notamment la pénurie des semi-conducteurs dont la demande a explosé à la réouverture des usines, impose aux constructeurs de nombreux défis organisationnels orientés vers l’intégration verticale des facteurs de production, certaines firmes ayant décidé de développer leurs propres circuits parallèlement à la conception et à l’assemblage.

Selon les statistiques mensuelles publiées récemment par l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM), les ventes de voitures neuves sur le territoire national auraient diminué de 11,03% au cours des sept premiers mois de l’année pour s’établir à 95.544 unités. Par segment, le nombre des nouvelles immatriculations de véhicules particuliers (VP) s’est élevé à 85.771 unités à fin juillet 2022, soit un repli de 9,68%, tandis que celui des véhicules utilitaires légers (VUL) s’est chiffré à 9.773 unités (-21,34%), rapporte l’AIVAM.

Cette contre-performance tient principalement au constat de l’atonie des lignes de production qui entraîne, tout compte fait, une pénurie des véhicules eux-mêmes. Car la demande existe bel est bien, sauf que le défaut inédit et persistant des semi-conducteurs et le renchérissement d’autres composants, dont des matières premières, retardent les livraisons des véhicules neufs, réduisant mécaniquement l’offre sur le marché. Dans ce contexte, certains constructeurs, limités dans leur production par la rareté des intrants, adoptent la stratégie du “vendre moins et gagner plus”.

À travers cette politique d’écrémage, les firmes optent pour l’affectation en priorité des composants électroniques aux véhicules haut de gamme en gérant le manque de disponibilité des véhicules par une suppression des actions promotionnelles et des rabais.

Selon le journaliste de l’émission télé « M Auto » diffusée sur la chaîne d’info en continu M24 TV, Jalil Bennani, les effets du contexte mondial actuel succédant à la crise sanitaire se sont manifestés par une carence dans l’approvisionnement en composants face à une demande en véhicule maintenue à un niveau stable, notant que les industries s’organisent en ce moment par flux tendus. Cette conjoncture exceptionnelle à laquelle est confrontée l’industrie automobile mondiale justifie la hausse des prix des véhicules, renchéris par les coûts logistiques et la cherté des pièces et équipements automobiles, qui subissent une inflation au même titre que les autres biens de consommation, a expliqué M. Bennani dans une déclaration à la MAP.

À la question de savoir si l’heure était venue pour les véhicules électriques (VE) de prendre le relais, le journaliste spécialisé a relevé les barrières psychologiques des consommateurs liées au fonctionnement de cette mobilité alternative à savoir, l’insuffisance des bornes de recharge et le “prix pas très compétitif” de ces véhicules, précisant, là aussi, que les métaux intervenant dans la fabrication des batteries connaissent une augmentation spectaculaire. Afin de pallier la crise de ces matières premières stratégiques et atténuer l’impact du conflit russo-ukrainien sur l’industrie automobile, M. Bennani a fait savoir que nombre d’équipementiers et firmes internationales s’orientent vers la relocalisation de leurs activités, y compris au Maroc, destination que certains groupes ont retenu pour la fabrication de faisceaux électriques (câblage) mais aussi de semi-conducteurs.

À ce titre, rappelons l’inauguration récente à Bouskoura (Casablanca) de la nouvelle ligne de production de composants électroniques de STMicroelectronics (ST), leader mondial de l’électrification des véhicules, ainsi que le transfert des capacités de production ukrainienne vers le Maroc pour Leoni, fournisseur de référence des constructeurs automobiles européens en matière de faisceaux de câblage.

Parallèlement, la récente note de l’Office des changes sur les indicateurs mensuels des échanges extérieurs du mois de juin reflète une dynamique positive pour le secteur automobile national. Ses exportations auraient progressé de 30,1% à 52,84 milliards de dirhams (MMDH) au premier semestre de l’année 2022, soit un plus haut niveau des cinq dernières années sur la même période.

Les perspectives de l’industrie automobile marocaine, premier secteur exportateur du pays (27% des exportations en 2019) demeurent, de surcroit, optimistes grâce au Plan de relance industrielle 2021-2023 qui prévoit de développer le taux d’intégration de 60% à 80%.

Par ailleurs, la présente conjoncture marquée par la raréfaction des ressources et l’interdépendance des industries mondiales, pose avec acuité la question de la souveraineté industrielle nationale et suppose, dès lors, de faire le choix entre objectifs économiques à court terme et ambitions écologiques à moyen terme.