La Colombie organise ce dimanche des élections atypiques qui marqueront vraisemblablement une rupture avec l’establishment ainsi qu’un tournant en termes d’orientations aussi bien au plan national qu’en matière de politique étrangère.
Le scrutin se déroule dans un contexte inédit où les différents protagonistes doivent relever des défis aussi divers que la gestion du processus électoral, la préservation de la sécurité et l’accompagnement de ce virage historique imminent en matière de gouvernance.
Voici les principaux protagonistes de ce deuxième tour présidentiel qui oppose Gustavo Petro de la coalition du Pacte Historique (gauche) et Rodolfo Hernandez (populiste) :
Gustavo Petro :
Vainqueur de la consultation (primaire) du Pacte Historique avec plus de 50% des voix puis du premier tour avec 8,5 millions de voix (40,32%), Petro dispute l’élection présidentielle pour la deuxième fois, après sa tentative vaine de 2018, contre l’actuel président, Iván Duque.
L’économiste sexagénaire est présenté comme le visage le plus représentatif de la gauche en Colombie et l’homme le mieux placé pour faire accéder les progressistes au pouvoir pour la première fois en Colombie. Il a été député, sénateur et maire de Bogotá.
Bien que ses propositions soient controversées, il a déclaré dans différentes interviews qu’il espère faire la transition d’une économie extractive du pétrole et du charbon vers une économie axée sur l’agriculture.
Par ailleurs, il espère augmenter le budget de l’éducation, de la culture et des sports, et améliorer le système de retraite.
Petro a choisi comme colistier à la vice-présidence, l’activiste afro-colombienne de renom, Francia Márquez. Issue de l’une des régions les plus affectées par le conflit armé, elle est avocate et une figure vedette de la campagne électorale.
Rodolfo Hernández :
L’ingénieur civil de 77 ans, la nouveauté des élections de 2022, a créé une énorme surprise en arrivant deuxième au premier tour avec près de 6 millions des voix (28,15 %). Il a été maire de Bucaramanga (nord), où il est aussi un homme d’affaires millionnaire. Lorsqu’il a démissionné, il était à un taux d’approbation de 64 %.
Il est connu pour avoir été au centre de certaines controverses au cours de son mandat, comme une agression contre un conseiller municipal et des propos jugés insultants à l’égard des pompiers et des migrants vénézuéliens.
Cette figure du populisme colombien a été le candidat qui a opéré la plus grande progression durant la campagne, en faisant de la lutte contre la corruption son principal cheval de bataille.
Comme vice-président, il a opté pour l’universitaire Marelen Castillo, qui n’est pas très connu, mais peut avoir une influence sur les secteurs académiques et religieux.
Le président sortant, Ivan Duque :
En Colombie deux président avaient été réélus : Álvaro Uribe Vélez et Juan Manuel Santos. Le premier a été président pour les mandats 2002-2006 et 2006-2010, et le second en 2010-2014 et 2014-2018.
Cela ne sera pas possible pour l’actuel président, qui n’a pas pu être candidat en raison d’une loi de 2015 qui a supprimé l’option de réélection présidentielle en Colombie.
Sous le gouvernement de Santos, la « réforme de l’équilibre des pouvoirs », adoptée en plénière de la Chambre des représentants, stipule dans son article 11 l’élimination de la réélection en Colombie, soutenant « qu’aucun citoyen qui a occupé le poste de président ne peut être réélu ».
Dans une récente interview, Duque a déclaré que s’il était autorisé à se présenter aux élections présidentielles de cette année, « il serait réélu » par le peuple colombien.
Le président sortant a assuré à plusieurs reprises que le processus électoral se déroulera avec toutes les garanties nécessaires à un scrutin transparent et démocratique. En réponses à des rumeurs de suspension des élections, il a avait assuré que « nous avons une vieille démocratie, l’une des plus anciennes démocraties d’Amérique latine, des institutions fortes et solides. Ici, personne ne peut penser que les élections vont être suspendues ou qu’il va y avoir des coups d’État ».
Le Registre national de l’état national:
Le Registre national de l’état civil (RNEC) de Colombie est une institution décentralisée de l’État chargée de l’organisation électorale sous la supervision du Conseil national électoral. Il est présidé actuellement par Alexander Vega.
Il s’agit d’une entité dotée d’une autonomie administrative, contractuelle et budgétaire, et est organisée de manière décentralisée.
Après les déboires dans le comptage des bulletins lors des élections législatives du 13 mars dernier, l’autorité électorale a procédé à une simulation de vote pour rassurer les candidats, après les critiques sévères subies par différents candidats.
« Dans le cadre du plan de garantie du second tour des élections présidentielles, l’officier de l’état civil, Alexandre Vega Rocha, a assuré que l’audit que les partis politiques vont mener sur le logiciel de comptage et les codes sources renforceront la confiance dans ce processus électoral », a indiqué le Registre sur son site internet.
« Non seulement les auditeurs des campagnes (des candidats) sont présents, mais il y a aussi les missions d’observation électorale et les cabinets d’audit avec lesquels collabore le Bureau de l’état civil. Le processus est transparent pour que les campagnes politiques et les citoyens soient sereins », a-t-on expliqué de même source.
« Nous donnons toutes les garanties, l’accès à l’information est totalement garanti. Le logiciel de comptage a fonctionné tout à fait normalement », avait rassuré Alexander Vega.
La campagne du Pacte historique, du candidat Gustavo Petro, a accrédité sept auditeurs et la Ligue des leaders anticorruption, que représente Rodolfo Hernández, en a accrédité deux.
Les missions d’observation internationales :
Le registre de la Colombie a annoncé qu’il y aura un accompagnement international des élections présidentielles de dimanche prochain, « pour s’informer de visu sur ce processus », notant que 8 missions d’observation et plus de 170 observateurs accrédités seront présents.
Parmi les missions d’observation et d’accompagnement électoraux figurent celles de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES), l’Union interaméricaine des organisations électorales (Uniore), la Mission d’observation électorale de l’Union européenne, l’Organisation des États américains (OEA), le Carter Center, Electoral Transparency, l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (International IDEA) et l’Association of World Election Bodies (A-WEB).
De leur côté, les missions techniques sont composées de spécialistes de la technologie, de l’informatique et des processus électoraux, de différents pays. Le Centre d’assistance et de promotion électorale (Capel), l’Union interaméricaine des organisations électorales (Uniore), la transparence électorale et l’Organisation des États américains (OEA) font partie de ces organisations.
Les codes sources du logiciel de pré-comptage et de scrutin pour les prochaines élections ont été récemment présentés aux équipes des campagnes des candidats à la présidence, aux missions internationales, au Bureau du Procureur général et au Bureau du Contrôleur général.
Les Forces de sécurité et guérillas:
Plus de 39 millions de Colombiens se rendent dimanche prochain aux urnes pour élire un nouveau président, un défi sécuritaire de taille qui a toujours été l’une des priorités des autorités colombiennes.
Comme lors du premier tour et pour garantir la sécurité et la normalité des élections, le gouvernement va déployer environ 300.000 agents des Forces Armées et de la Police.
Conformément au « Plan Démocratie », l’armée va consacrer environ 80.000 soldats à cette opération, qui donnera la priorité aux municipalités les plus touchées par le conflit armé.
De son côté, la Police déploie plus de 94.000 agents à travers le pays avec comme priorité absolue la protection des candidats à la présidentielle, des bureaux de vote et des droits de l’homme.
Le défi sécuritaire est de taille d’autant plus que le scrutin intervient après la neutralisation le weekend dernier de Ricardo Abel Ayala Orrego, alias « Cabuyo », chef du 36e front des dissidents des FARC, qui a été tué lors d’une opération militaire menée dans le département d’Antioquia.
La « grève armée » lancée en mai dernier avant le premier tour par le Clan del Golfo, le plus grand gang armé de Colombie, avait fait plusieurs morts, civils, policiers et militaires. Le cartel avait annoncé que ces attaques interviennent en représailles à l’extradition de son chef, alias « Otoniel », aux Etats-Unis.
En Colombie, il y a 290 municipalités qui sont placées à un degré « extrême ou élevé » de risque de violation des droits durant les élections présidentielles, a averti le Bureau du Médiateur.