En ces temps de coronavirus où les gens confinés se sont retrouvés avec eux-mêmes, l’âme nue, le cœur plus irrigué d’humanisme et les neurones plus rationnels face à un présent douloureux et un futur incertain, il est bon de regarder dans le rétroviseur un passé moins anxiogène. Le passé de notre football que ce soit en sélection nationale, dans les clubs ou dans les terrains vagues des quartiers populaires, a vécu des moments mémorables avec des joueurs talentueux et des dirigeants de haut vol. A cette époque il n’y avait ni professionnalisme, ni contrat, ni sponsoring, ni droits de TV, ni salaires mirobolants. Mais notre football était dirigé par des hommes incroyablement dévoués au ballon rond à tel point que beaucoup d’entre-eux y ont laissé des plumes que ce soit dans leurs affaires personnelles ou dans leur santé. Car en plus de la gestion financière et technique du club, ces dirigeants étaient des acteurs très impliqués dans ce qu’on appelle aujourd’hui la société civile ainsi que dans le développement de leurs villes. Ils trouvaient des emplois aux joueurs, participaient à des actions caritatives et étaient tout le temps sollicités pour rendre service.
Qui aujourd’hui se rappelle encore ces valeureux hommes qui nous ont tous quittés tels Mustapha Belhachmi (MCO), Larbi Zaouli (TAS) Mohamed Doumou (KAC) Abderrazak Mekouar (WAC), Mohamed Ait Menna (SCCM), Ahmed Antifi et le colonel Mehdi Belmejdoub (FRMF) et j’en oublie.
Le père spirituel du MCO qui y a exercé en tant que joueur et président pendant quarante ans était un militant du football oujdi et national. Homme intègre et doté d’un caractère bien trempé, il a fortement contribué aux heures de gloire de l’équipe oujdie qui a remporté trois fois la coupe du Trône et une fois le championnat.
Bénévole comme les autres présidents précités il a tout donné à son club chéri y compris sa santé, sa famille et sa fortune sans jamais s’en plaindre.
Le nom de Larbi Zaouli était lui collé à celui du TAS du Hay Mohammadi auquel il a consacré toute sa vie aux dépens de sa famille. Le ministère de la jeunesse et des sports va se montrer on ne plus ingrat envers sa famille dont sa femme, très âgée, en demandant son expulsion du logement de fonction via un arrêt de justice.
Le président charismatique du KAC, Mohamed Doumou, a laissé sa santé pour le bien de son club chéri qu’il a continué à suivre jusqu’à sa mort.
Le mythique dirigeant du WAC, Mohamed Mekouar, est un homme dont le nom restera indélébile dans les annales du football national. Il fut d’abord ambassadeur du royaume aux Pays-Bas où il avait participé en tant que membre de la délégation marocaine chargée de défendre le dossier du Sahara marocain devant la cour de La Haye. Il fut le président révolutionnaire qui a importé le football moderne au Maroc en construisant le premier complexe sportif d’un club au royaume. Ce n’est par hasard que feu le roi Hassan II l’appelait «Monsieur football».
L’ex-président du SCCM, Mohamed Ait Menna, était un mécène qui a donné au club de football de Mohammedia ses lettres de noblesse. Son imposante carrure et son tempérament contrastaient avec sa grande bonté et sa générosité. Anecdote: Lors d’un match qui opposait le SCCM au MAS, l’arbitre Naciri avait expulsé par erreur le premier ballon d’or Ahmed Faras. Ce dernier qui voulait quitter le terrain était à chaque fois repoussé par Ait Menna qui lui ordonnait de reprendre sa place sur le terrain. Une scène incroyable qui s’est passée devant des dizaines de milliers de téléspectateurs puisque le match était retransmis en direct et fut arrêté pendant 20 minutes à cause de cet incident.
L’ex-président du RAC, dirigeant et sélectionneur national charismatique de la FRMF pendant presque 20 ans, a imprimé sa marque sur le football national.
Ahmed Antifi fut à la tête de la sélection nationale et de la fédération pendant près de 20 ans avant qu’il ne passe le relais à un colonel dont le nom résonne encore dans les esprits des joueurs comme Faras, Baba et toute la clique qui avait remporté la coupe d’Afrique de 1976. Il s’agit de l’inoubliable colonel Mehdi Belmejdoub qui a tout raflé: la CAN 76, l’élégance, le disciple militaire, la probité, l’honneur et la dignité. Il était tout aussi souple que ferme, craint qu’aimé, adulé et jalousé aussi bien dans le foot que dans sa carrière militaire qu’il a reléguée au profit du foot en tant que joueur et dirigeant. L’homme respirait le respect, la considération ainsi que la confiance. Il ne se laissait jamais piétiner par personne quel que soit son rang et était très fier pour s’abaisser et quémander un privilège. D’ailleurs quand il est mort en 2008, le seul legs qu’il avait laissé à sa famille était une maison qu’il avait achetée à l’armée.