Il fut un temps où la Place Mohammed V était un repère incontournable pour les Casablancais et pour les visiteurs de la ville blanche. Ce temps où le repère par excellence était la défunte Fontaine qu’on retrouve encore dans les cartes postales et les photos souvenirs. Les pigeons sont toujours là sans en être las. Les survivants photographes aussi qui font de la résistance face aux envahissants téléphones portables.
Depuis le réaménagement de la Place, des choses ont changé. En mieux ou en mal, les échelles de l’appréciation sont différentes selon les regards imbus d’histoires.
En cet après-midi du Ramadan, l’affluence est réduite au minimum.
N’empêche, L’hajja Nekacha, dont la journée du travail commence vers midi, campe, dans un coin ombragé, à l’affût de potentielles clientes. Elle invite les passantes en offrant ses services. L’hajja opère par double détente quand elle aperçoit une femme accompagnée d’une fille. Si elle sent que la maman n’est pas intéressée, elle vise la petite. Pas besoin d’avoir un diplôme en marketing pour savoir comment créer le besoin de ses prospects.
Son sourire sous cape révèle que ça marche. En connaisseuse, elle se lance dans son travail sur les mains de la petite toute heureuse. La maman tente, vainement, de s’enquérir du coût de l’opération. L’hajja feint d’entendre et poursuit son travail de tatouage.
Quasi-mécaniquement, elle dessine les traits sur les frêles mains de la petite. Tout en conversant avec la maman sur la cherté de la vie, la rareté des clients et les enfants qui attendent les habits de la fête. La mission accomplie, elle lance un youyou !
Prise de compassion, la maman sort un billet de 50 dirhams qu’elle met dans la main droite de L’hajja. Correcte, elle pioche dans son maigre et usé portefeuille pour en sortir 20 dirhams en deux pièces. La maman prend la monnaie et quitte le lieu.
L’attention de la petite est attirée par un loueur de voiturettes circulant autour de la nouvelle fontaine face au siège de la Wilaya. Ça coûtera 5 dirhams pour cinq minutes. Et la photo souvenir ? Le photographe offre ses services ! Nul besoin, le portable immortalisera le moment.
Dans la foulée, L’hajja s’occupe d’une touriste sous le charme d’un moment en train d’être figé par la caméra de son compagnon !