Vente record à l’étranger d’oeuvres de Melehi et Belkahya : le retard d’adoption de la nouvelle loi sur les droits d’auteurs prive les artistes de droits et le pays de rentrée de devises

La vente aux enchères (en ligne) organisée par Sotheby’s Londres d’ une oeuvre de Melehi (5 millions de dh) et une de Belkahya (2,5 millions de dh) consacre internationalement la place des arts plastiques marocains.

Au-delà d’une légitime satisfaction, il est regrettable de constater que ni Mohammed Melehi, ni les ayants droits de Farid Belkahya… et ni les Finances du pays ne toucheront un « centime » ou « kopeck » sur ces ventes records.

Cette situation est due à un vide juridique sur le  » DROIT DE SUITE  » ( حق التتبع)… même si un projet de loi a bien intégré cette notion… mais il est toujours pendant au Parlement.

S/t. L’intégration du « droit de suite » dans la législation marocaine

Le « droit de suite » figure bien dans le « projet » de loi N° 66 19 modifiant et complétant la loi 2.00 relative aux droits d’auteurs. Il a été adopté par le Conseil de gouvernement… il y a près de cinq mois le 14 novembre 2019… mais il est toujours « en souffrance » au Parlement.

Le même Conseil du gouvernement a également adopté le projet de loi N° 25 19 qui réorganise et redéfinit les missions du Bureau Marocain des Droits d’ Auteurs ( B.M.D.A) pour lui permettre de mieux agir pour la protection de la propriété intellectuelle.

Le « droit de suite » reconnait à l’ auteur d’une oeuvre … ici l’artiste plasticien… un droit de suivi…par le prélèvement d’un pourcentage… autant de fois que l’oeuvre est « revendue ». C’est une « rémunération » dont bénéficient l’auteur lors des reventes… menées par un professionnel du marché de l’art.

Le projet de loi N°66 19 apporte beaucoup de nouveautés. Il définit d’abord le sens de « droit de suite »… précise les disciplines concernées par les arts plastiques et visuels… et précise les catégories des bénéficiaires.

Il définit à 5% le pourcentage à verser à l’artiste lors de la « revente » : vente aux enchères… vente dans une galerie d’exposition… ou vente par un marchand d’art autorisé… qu’elle soit faite au MAROC ou à l’ETRANGER.

Ce droit est transmis aux héritiers… aux ayants droits pendant 70 années après le décès de l’auteur. La loi a confié au B.M.D.A la mise en oeuvre du « droit de suite ».

S/t L’ expérience internationale du  » droit de suite »

Par exemple en France, la Société des Auteurs dans les Arts Graphiques et Plastiques ( A.D.A.G.P) créée en 1920 est chargée de la perception et de la répartition des droits d’auteurs. Elle représente plus de 180 000 artistes français et étrangers dans plus de 40 disciplines.

L’ A.D.A.G.P. veille à ce que le marchand d’art informe sur la vente et la déclare… puis verse le  » droit de suite » lorsqu’il est saisi par l’auteur, l’héritier ou une société d’auteurs.

Elle peut également intervenir au niveau international en faveur d’artistes étrangers … à condition que la législation de leur pays reconnaît le droit de suite aux auteurs de l’Union Européenne… selon
le principe de réciprocité.

Il existe aussi une Directive de 2001 de l’Union Européenne relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale.

Il est fort probable que lorsque la loi 66 19 sera votée au Parlement le B.M.D.A. sera amené à travailler en coopération avec l’ A.D.A.G.P ( qui a l’expertise nécessaire! ) pour la mise en oeuvre du « droit de suite » en faveur des artistes marocains en cas de revente de leurs oeuvres hors du territoire national.

S/t. Le « droit de suite » fruit d’une réflexion collective

Le Syndicat Marocain des Artistes Plasticiens Professionnels S.M.A.P.P. ( présidé par Mohamed Mansouri Idrissi) et l’ Association Marocaine des Arts Plastiques A.M.A.P (présidée par Mohamed Melehi) ont contribué à l’élaboration de ce projet de loi en coordination étroite avec le Département de la Culture… et le Bureau Marocain des Droits d’Auteurs B.M.D.A. Le colloque sur « La situation des arts plastiques au Maroc » tenue en décembre 2018 à Rabat a contribué à nourrir la réflexion à ce sujet.

Le Département de la Culture et le Gouvernement ont fait leur travail. C’est au législateur de faire aboutir la loi.

La communauté des artistes plasticiens et visuels souhaite que lorsque le pays sortira de cette crise sanitaire, le Parlement puisse voter ce texte qui constitue un tournant majeur pour la protection de la propriété intellectuelle.