Le politologue algérien Mohamed Hennad a qualifié les élections en Algérie de « tragicomédie que le pouvoir a imposée, sans scrupules et sans respect pour les citoyens, au pays depuis 2019 ».
Après les dernières élections locales, « que leur resterait-il à faire pour pouvoir continuer à détourner l’attention des citoyens sur leur mal-gouvernance et sur le refus dont ils font l’objet de la part d’une partie considérable de la population ? » se demande-t-il dans une interview accordée au journal algérien « Liberté ».
Il a fait observer que tout le processus électoral (référendum constitutionnel, présidentielle, législatives et locales), « mené à la hussarde par le pouvoir depuis 2019 montre bien que ce dernier ne cherche toujours pas à résoudre les problèmes du pays mais ses propres problèmes en tant que pouvoir de fait ».
M. Hennad a fait remarquer que les résultats officiels des dernières élections locales montrent bien que l’abstention reste la règle pour la quatrième fois de suite.
« Alors que tout le monde s’attendait à un taux de participation plus important vu le caractère justement local de ces élections, celui-ci n’a pu dépasser le tiers du corps électoral », a-t-il regretté.
Le chercheur a expliqué que le faible taux de participation enregistré aux dernières élections et l’émiettement politique au niveau local mettent en évidence l’ »échec du système » et la réussite du Hirak, lequel continue à faire son effet sur la conscience collective de la société, même sans les marches que les tenants du pouvoir actuels -contrairement à la « bande » au temps du président déchu-, continuent arbitrairement d’interdire.
Il a estimé que ce serait plus qu’une erreur, une injustice d’imputer la faiblesse du taux de participation à un prétendu « défaitisme » des Algériens même si le pouvoir les y encourage d’une manière subliminale.
« Aussi, pour comprendre pourquoi les citoyens continuent à bouder les urnes, il ne faut pas se contenter de leur imputer la responsabilité. Il faut, plutôt, essayer de comprendre les raisons de cette abstention, notamment le niveau de confiance qu’ils peuvent avoir dans les autorités du pays en termes de légitimité morale et de capacité à produire des résultats concrets au lieu de continuer à vanter un passé mythifié », a-t-il poursuivi.
« Quand vous avez le président de la République lui-même qui vous dit que le taux de participation n’est pas important, le citoyen se dit pourquoi alors aller voter puisque les dés sont pipés », s’étonne-t-il, rappelant que même la Constitution, clef de voûte du système politique, n’a obtenu qu’environ 20% des voix.
C’est ainsi que l’accusation de trahison que le pouvoir clame à l’endroit de ceux qui refusent de participer à son projet unilatéral, s’est retournée contre lui dans la mesure où ce sont les citoyens, par leur abstention massive à quatre rendez-vous électoraux de suite, qui considèrent que la participation à ces élections est une forme de trahison, a-t-il détaillé.
Il a fait savoir que la plupart des Assemblées populaires communales sont aujourd’hui sans majorité tandis qu’aucun parti n’a obtenu la majorité dans les Assemblées Populaires des Wilaya, se demandant : « Sommes-nous aujourd’hui devant une « ingouvernabilité » des Assemblées ? »
Il a indiqué qu’à vrai dire, il ne s’agit pas d’une « ingouvernabilité » mais plutôt d’un émiettement des forces politiques du pays, qui est de nature à arranger le « système » qui se voit, ainsi, tel un patriarche à la tête d’une chefferie où tout le monde lui obéit volontiers.
Suite aux dernières élections, les institutions locales se trouveront, donc, dans une situation inextricable et, du coup, fort fragilisées par rapport à l’administration du fait de l’absence d’une force politique d’appui (parti) suffisamment représentée à l’échelle locale à travers le pays pour avoir un « bargaining power » qui soit sérieux, a relevé le politologue.
La résurgence du Front de libération nationale (FLN) et du Rassemblement National Démocratique (RND) obscurcit davantage l’horizon algérien, a-t-il mis en garde.
Il a expliqué qu’au moment où les gens s’attendaient à la disparition de la soi-disant « alliance présidentielle » à la faveur du Hirak, la voilà reprendre du poil de la bête, avec le FLN et ses deux acolytes que sont le RND et le Front El-Mustakbel.