Il y a toujours des idées qui peuvent devenir le point d’ancrage d’un éternel retour voire une obsession. J’ai toujours été happé par le miroir dans le cinéma. Cet objet, quasiment considéré comme accessoire banal ou un élément de décor, peut devenir le creuset d’une exceptionnelle condensation de sens et de contresens. C’est pour cela que le recours des réalisateurs à cet élément n’est pas fortuit. Car il joue un rôle très important dans le traitement de la trame du film.
À la 17ème édition du Festival du Cinéma des Peuples d’Immouzer, lors de la compétition officielle des courts métrages, nous avons décelé trois films où le miroir est présent. Surtout que ces films sont marqués par un univers très particulier où le travail d’introspection est bien ancré dans la diégèse proposée par les auteurs de ces films. Le miroir a été déjà présent dans la peinture, notamment chez Van Eyck, Dali et plus particulièrement chez Velasquez à travers son tableau, Les Ménines (1656).
Dans le cinéma – pour ne citer que les classiques – « Le testament d’Orphée » (1960), « La Belle et la bête » (1930) de Jean Cocteau ou encore « La dame de Shanghai » (1948), et « Citizen Kane » d’Orson Welles (1941) où le miroir a été exploité sous divers angles. Il a fortement pénétré l’univers du septième art car – au-delà – du reflet, il apporte un autre regard, une double vision minée par un apport symbolique et énigmatique.
Le miroir nous lègue ce tragique héritage que Narcisse a vécu en contemplant son beau visage reflété sur la surface de l’eau. Hormis sa mission première de nous rendre présent et nous acquérir une existence hors de nos corps, le miroir est devenu un endroit troublant et plein de mystère. C’est pour cela que le concept de « Miroir d’âme » a fait son apparition comme le dévoilement de ce royaume si profond de l’être humain.
Quand on regarde notre visage dans un miroir, nous traversons ce mur invisible de nos traits pour voir notre intérieur. Le cinéma a bien saisi ce côté obscur pour instaurer tout un arsenal de mise en abyme. C’est vrai que le miroir est né d’un désir. Mais dans l’un des trois courts métrages qui s’intitule « Remords » du jeune réalisateur marocain Ayoub Boudadi, le miroir devient synonyme d’une chute extravagante de cette femme vouée à une foudroyante dépression. Le Miroir devient le doublon de ce personnage et passe d’un état à l’autre pour accentuer le processus de la déchéance. Il s’obscurcit tout en subissant une mort certaine puisqu’il est voué à la fin à la cassure. En fin de compte, on devient ces voyeurs invités au drame de ce personnage brisé qui a voulu s’emparer d’un visage complet dans un miroir cassé.
Dans le cinéma arabe, la plupart des films, qui ont fait du miroir un objet d’un désir obscur, ont finit par casser. La question primordiale qui se pose devant ce geste capital: quelle est la raison qui a poussé ce cinéma à briser cette autre image, ce reflet qui n’a jamais cessé de le présenter en mille morceaux ?
Le miroir est né d’un désir: C’est celui de renoncer au désir.