« Réaliser la réunification de la patrie par des moyens pacifiques est dans l’intérêt général de la nation chinoise, y compris des compatriotes de Taïwan (…). La réunification de notre pays peut être réalisée et le sera« , a déclaré le président chinois Xi Jinping, à l’occasion des commémorations du 110e anniversaire de la révolution de 1911, qui mit un terme à la dernière dynastie impériale chinoise.
Cette déclaration intervient dans un contexte tendu, suite aux nombreuses et récentes démonstrations militaires chinoises, du fait entre autres d’un nombre record d’incursions d’avions militaires de Pékin dans l’espace aérien de l’île taïwanese de près de 36.000 km².
Il faut comprendre que les rapports sino-taïwanais sont historiquement complexes, depuis la cession de l’île au Japon à la fin du dix-neuvième siècle par la Chine Impériale affaiblie par les sinistres guerres de l’opium, à sa récupération post-seconde guerre mondiale en 1945, jusqu’à l’installation du Kuomintang (parti nationaliste chinois) suite à sa défaite en Chine continentale face aux communistes toujours au pouvoir.
La dénomination administrative officielle de l’île censément souveraine est par ailleurs « République de Chine », et à ce jour elle n’a jamais déclaré son indépendance ni abandonné ses prétentions à la pleine souveraineté sur la totalité du territoire chinois.
Si l’on note que le gouvernement taïwanais, république de Chine donc, a occupé le siège de l’empire du milieu à l’ONU jusqu’en 1971 ; on comprend mieux les crispations du pouvoir communiste face à ce problème géostratégique de taille.
Au niveau régional, l’île est par ailleurs le point de jonction stratégique entre les deux mers de Chine, la mer de Chine orientale, bordée à l’est par le Japon, ainsi que la mer de Chine méridionale au Sud, bordée entre autres par le Vietnam, l’Indonésie, la Malaisie et les Philippines.
Ces mers offrent non seulement un accès à l’océan pacifique, qui couvre environ un tiers de la surface terrestre, mais surtout représentent un tiers du commerce mondial, avec près de 100.000 navires qui y transitent annuellement tout en centralisant près de 27% de l’économie mondiale en PIB cumulés (23. 000 milliards de dollars en 2018) ; ce n’est d’ailleurs pas un hasard si 8 des 10 ports les plus importants au monde s’y situent.
À la lumière de ces éléments, nous naviguons déjà en eaux troubles, surtout si l’on sait que les prétentions chinoises se heurtent bien évidemment à la présence américaine, notamment militaire, et qui depuis plusieurs décennies a le regard tourné vers cette région, depuis le « pivot asiatique » de l’ère Obama jusqu’au récent axe anglo-saxon, qui se concrétise avec force; d’autres alliés des USA ne manqueront probablement pas de rejoindre (le Japon par exemple).
Taiwan donc, et plus globalement la zone maritime susmentionnée, représentent pour la République Populaire de Chine un enjeu stratégique majeur, d’autant plus qu’elles représentent un axe important dans les nouvelles routes de la soie dans leur volet maritime.
Celles-ci passent par la mer de Chine Méridionale jusqu’au port de Djibouti, premier port chinois en Afrique ; avec des projets faramineux à l’instar du Canal de Thaï en Thaïlande qui se heurte à l’hostilité de plusieurs pays puisque s’il se concrétise, il menacera de contourner le trafic du détroit de Malacca, l’une des plus importantes voies de navigation au monde avec un trafic équivalent à celui du Canal de Suez.
De plus, les réserves halieutiques de la région sont importantes pour la Chine, premier pêcheur et consommateur mondial, sans évoquer les richesses fossiles confirmées, les terres rares et les minerais dont regorge ladite zone.
À la lumière de ces éléments, on comprend mieux la stratégie hégémoniste chinoise dans la région, et son objectif de militariser le plus de zones terrestres des nombreux archipels de la zone (îles Paracels, îles Natuna, etc.), afin entre autres d’élargir sa zone économique exclusive que lui garantit le droit maritime international.
En somme, cette région sera à l’avenir un enjeu stratégique majeur pour les deux puissances mondiales, États-Unis et Chine; la course à l’armement ou bien l’affaire de Taiwan n’en sont que l’une des conséquences directes.