RELATIONS ENTRE LE MAROC ET LE DANEMARK: L’AMBASSADEUR NIKOLAJ HARRIS DIT TOUT

L’ambassadeur du Danemark au Maroc, Nikolaj Harris, a le sentiment du devoir accompli. Son mandat qui touche à sa fin, a été jalonné de réalisations aussi remarquables qu’indéniables. Le Collimateur a saisi cette occasion pour faire le point sur l’évolution des relations entre les deux Royaumes, la position de Copenhague sur la question du Sahara, le flux des investissements et des échanges commerciaux entre les deux pays… Dans cette interview, Monsieur l’ambassadeur dévoile aussi les secrets de sa fascination pour le Maroc. 

Monsieur l’ambassadeur, avant de commencer cet entretien, et comme vous le savez, les Marocains sont une grande Nation footballistique, tout comme les Danois d’ailleurs. Pourrirez-vous nous dire comment avez-vous vécu le malaise de Christian ERIKSON lors du match contre la Finlande lors de l’Euro 2021?

Je suis très content que vous me posiez une question sur le football et particulièrement en ce moment de pleine performance très positive de l’équipe du Danemark. Je suis moi-même un grand fan et un joueur de football depuis ma petite enfance. Ici au Maroc j’ai aussi joué au football et ça m’a permis de me faire beaucoup d’amis marocains. Il n’y a rien de tel que le football pour rassembler les gens. Sur le terrain tout le monde est sur un pied d’égalité. Peu importe que vous soyez enseignant, chômeur, ambassadeur ou quelque chose de complètement différent. Sur le terrain, ce qui compte c’est si vous savez jouer au football. Si vous êtes un bon co-équipier. J’aime ça. On apprend beaucoup de choses et on noue des amitiés avec des personnes qu’on n’aurait pas rencontrées autrement.

Le Danemark et le Maroc sont très similaires à cet égard. C’est de loin le sport le plus populaire et apprécié dans les deux pays. J’ai beaucoup de respect pour le football marocain. Le Maroc produit d’énormes talents de football qui jouent au plus haut niveau et le Maroc peut être super fier de ses « Lions de l’Atlas ».

Le championnat d’Europe de football a lieu en ce moment. C’est un évènement énorme au Danemark, vu que notre équipe s’est qualifiée pour le tournoi et figure parmi les meilleures. Dans ma famille, le championnat est suivi de très près et mes deux garçons et moi somment scotchés à l’écran – surtout bien-sûr lorsque le Danemark joue.

 

 

Nous avons, bien évidemment, eu un immense choc lors du premier match contre la Finlande, lorsque l’un de nos joueurs vedettes, Christian Eriksen, a eu une crise cardiaque sur le terrain. Des images terribles et choquantes pour les nombreux fans danois et de différentes nationalités. Mais je pense, et cela reflète les messages que nous avons reçus, que notre équipe et toutes les personnes autour ont réagi de façon exemplaire. Les joueurs ont formé un cercle autour de Christian. Et ils sont restés unis et se sont soutenus dans ce moment difficile. Ils ont aussi soutenu et ont réconforté la famille choquée d’Eriksen. Et nos médecins et personnel de santé ont fait preuve d’un grand professionnalisme ce qui a fait que Eriksen est maintenant en bonne santé. Dans les minutes stressantes après la crise cardiaque d’Eriksen, nous avons tous compris qu’il y avait des choses plus importantes que le football.

Toute cette malheureuse affaire a eu une fin heureuse. Et elle a engendrée un grand respect – y compris à l’échelle internationale – par rapport à l’équipe danoise et aux valeurs auxquelles nous accordons une importance au Danemark. L’unité, la convivialité et la camaraderie. Le respect. De pouvoir montrer ses émotions et être humain. J’ai aussi été très touché par le grand soutien des nombreux fans marocains de football qui ont écrit sur mon Twitter et celui de l’Ambassade. D’ailleurs le geste de Achraf Hakimi qui dédicace son but en mentionnant le numéro 24 de Eriksen lors du Match Maroc – Burkina-Faso est extraordinaire.

Toute cette affaire a donné un coup de pouce à l’équipe nationale danoise et l’a rendue plus forte, chose que nous avons vue lors du match fantastique contre la Russie où le Danemark – avec une victoire de 4-1 à Copenhague – s’est qualifié à la huitième de finale avec le Pays de Galles ce samedi. Mes garçons et moi prendront place devant la télévision, vêtu de rouge et de blanc avec l’espoir d’une victoire danoise. Et j’invite tous les fans marocains à nous soutenir comme durant le premier tour.

Comme le montrent vos posts sur Twitter, le couscous est devenu l’un de vos plats préférés. Quel est le secret de cette préférence?

J’aime la cuisine marocaine en général. Particulièrement le Tagine -surtout le poulet au citron-. Le couscous reste mon plat préféré pour plusieurs raisons.

La particularité du couscous est l’aspect social de ce plat. J’adore le concept du « couscous du vendredi » où l’on se retrouve avec ses proches pour partager un repas. C’est une bonne tradition. Nous l’avons aussi introduite à l’Ambassade où nous nous retrouvons fréquemment pour un couscous le vendredi. C’est pour moi la meilleure manière de terminer une dure semaine de travail. Et lorsque le couscous est posé sur la table, nous discutons de nos projets pour le weekend, etc.

De manière générale, il y a beaucoup de culture dans la nourriture. J’ai essayé de promouvoir la culture culinaire danoise au Maroc ces trois dernières années.

Dans le cadre de la visite de la princesse héritière du Danemark il y a quelques années, nous avons mis l’accent sur la culture culinaire danoise et nous avons reçu la visite de plusieurs chefs cuisiniers danois connus, qui ont formé des jeunes talents cuisiniers marocains. Cela a très bien fonctionné. Et le plus drôle est que les cuisiniers danois étaient aussi curieux de la cuisine marocaine et de toute la richesse qu’elle contient que les Marocains par rapport à l’art culinaire danois. C’était évident que là aussi nous pouvons beaucoup à apprendre les uns des autres.

Suite à la visite et au succès de l’échange entre les chefs cuisiniers danois et les talents marocains, j’ai beaucoup œuvré pour l’établissement d’une école de cuisine au Maroc financée par le Danemark et avec les chefs cuisiniers danois de renommé internationale. J’espère que le projet aboutira bientôt.

Votre mandat en tant qu’ambassadeur du Royaume du Danemark au Maroc touche à sa fin. Quelles ont été vos principales réalisations?

Je ne vous cache pas que je suis arrivé au Maroc avec de très grandes ambitions et je suis en plein auto – évaluation :  Il faut dire que je suis très satisfait des réalisations effectuées avec mon équipe de l’Ambassade à Rabat.

Mon premier objectif, étant le renforcement des relations bilatérales entre nos deux pays. Aujourd’hui, elles sont excellentes et peut-être mieux que jamais. Mon gouvernement m’a bien soutenu car il se focalise sur l’Afrique du Nord et bien sûr le Maroc en tant qu’un des acteurs principaux de la région.

Par exemple, au cours des deux derniers mois, j’ai rencontré plusieurs Ministres et responsables marocains avec lesquelles je me suis entretenu à propos de l’éducation, la santé, l’eau, les statistiques…etc.

Cette bonne relation d’amitié se reflète aussi par le nombre d’officiels danois qui ont visité le Maroc, en dehors des mois du Covid-19 ou il y avait des restrictions de voyage. Notre Princesse Héritière Mary a donné le lancement du Forum de la jeunesse à Rabat en 2019, cela a été précédé par la participation de l’ancien Premier Ministre danois Lars Lokke Rasmussen au Global Compact sur la migration en 2018, et j’espères pouvoir faciliter une autre Visite officielle, très importante pour les relations bilatérales entre nos deux pays, dans les jours qui viennent, avant mon départ du Maroc.

Les changements climatiques et la transition énergétique. C’est un secteur où nos deux pays sont des avant-gardistes. Nous collaborons ensemble et soutenons nos initiatives sous l’accord de Paris. Par exemple cette initiative marocaine pour le renforcement de l’accès aux énergies durables en Afrique. Mais aussi l’initiative danoise pour le développement d’une énergie propre pour le transport maritime.

Nous avons une coopération autour de secteurs stratégiques tels les échanges entre l’agence de statistiques danoise et le Haut-Commissariat au Plan par rapport à la digitalisation. Nous mettons en place aussi un partenariat dans le secteur de l’eau. D’ailleurs je viens de participer ce jeudi au lancement d’un Webinaire de coopération entre l’agence danoise de l’environnement et le Ministère du Transport, de l’équipement, de la logistique et de l’eau en présence du Secrétaire général dudit Ministère. Comme vous le savez, c’est un secteur vital pour tous. Nous avons des expériences différentes mais aussi similaires : Alors que vous avez développé une expertise dans la gestion de la carence hydrique, nous avons développé une expertise de gestion de son abondance, mais nous nous rejoignons dans le besoin de connaître les deux stratégies car nos problèmes internes incluent les deux quelquefois.

Nous avons aussi un programme de partenariat dano-arabe (DAPP) à la conception duquel l’ambassade a fortement contribué.  Ce fut une satisfaction personnelle forte de voir comment les projets du DAPP renforcent le dialogue entre nos deux pays et contribuent à la promotion des valeurs partagées. La nouvelle étape du DAPP débutera au milieu de 2022 et durera cinq ans. Elle sera encore plus focalisée sur la création d’emplois pour les jeunes, une priorité pour le Maroc.

Comme vous le voyez, je peux continuer à citer les activités de collaboration sur plusieurs pages mais je pense que ceci donne déjà un aperçu assez fort de la robustesse de notre relation bilatérale.

Et juste pour finir là où j’ai commencé, les nombreuses activités que nous avons menées au cours des trois dernières années sont le résultat d’un travail d’équipe à l’ambassade.  Je n’aurais pas atteint la moitié si je n’avais pas eu une équipe forte et engagée à l’ambassade.  Nous avons créé les résultats ensemble.

Les relations diplomatiques entre les Royaumes du Danemark et du Maroc sont très anciennes. Où en sont-elles aujourd’hui?

Comme j’ai déjà dit, les relations sont très bonnes. Le Maroc et le Danemark ont des relations bilatérales très anciennes. Le premier Consulat Européen à Essaouira sous le règne de Mohamed Ben Abdellah a été établi par le Danemark en 1767.

Ce fut une période très dense en échanges entre les deux monarques. Nous pouvons dire que nous sommes aujourd’hui dans la continuité.

Historiquement, nos relations étaient très liées aux relations maritimes.  Ils le sont toujours.  Nous avons plusieurs sociétés danoises qui sont engagées dans le transport maritime et l’activité portuaire.  Mais nos connexions sont beaucoup plus larges maintenant.  Ils vont du tourisme, aux échanges culturels, à la coopération sur les statistiques et l’eau, à la bonne gouvernance et à la création d’emplois, à la lutte contre le terrorisme, etc.  Notre relation repose donc sur une base très large et solide et je suis sûr qu’elle ne fera que s’élargir et s’approfondir à l’avenir.

En matière politique, pouvez-vous nous clarifier la position du Danemark sur la question du Sahara?

Vous savez, le Danemark n’a aucune position qui diffère de celle de l’Union Européenne. C’est à dire que nous soutenons le processus des Nations Unies en vue de parvenir à une solution politique qui soit juste, durable et acceptable pour tous.

Les relations commerciales sont-elles à la hauteur des excellentes relations politiques entre les deux Royaumes? Qu’en-est-il des investissements danois au Maroc?

Le Danemark est un investisseur important au Maroc et plus particulièrement avec la présence de la compagnie maritime et portuaire danoise Maersk / APM terminal qui reste un investisseur principal dans le port à conteneurs de Tanger Med II, l’un des ports à conteneurs les plus grands et les plus modernes d’Afrique.

Le deuxième terminal de Tanger Med, qui a été inauguré par S.A.R le Prince héritier Moulay El Hassan en 2019, a dépassé le seuil d’un million de conteneurs.

Ce type d’investissement est crucial pour le Maroc s’il veut poursuivre son développement. Nous avons également d’autres entreprises danoises qui ont investi au Maroc et la communauté des affaires danoise porte un intérêt croissant au Maroc.

Et j’aimerais voir encore plus de coopération commerciale entre nos deux pays. Plus particulièrement en matière de solutions de transition énergétique. Le Danemark est très avancé en matière de technologie dans l’industrie éolienne.

Je vois également de bonnes opportunités dans le domaine du traitement des eaux usées et de l’utilisation efficace des ressources en eau.

Propos recueillis par Ziad Alami