Ils étaient faits l’un pour l’autre. Toutes les digues ont sauté dès le premier coup de foudre. C’était il y a dix ans, dans l’un des parcs de la ville côtière de Mazarrón, Murcie, où elle avait coutume d’emmener ses enfants nés d’un précédent mariage, Francisco Javier et Gloria. Le hasard a voulu qu’Andrea croise sans peut-être le regarder, un jeune qui comme elle était à la fleur de l’âge, qui a gratifié ses enfants d’un sourire, en leur proposant de jouer au foot. Affectueux, jovial, un physique d’athlète… Younès avait toutes les chances de séduire sa future épouse.
De cette première rencontre… de ce premier regard… jaillit une flamme. Qu’importe si Younès était d’une tout autre couleur de peau, d’une tout autre religion, d’une tout autre culture… De cet amour, naît un enfant prénommé « Rayan »… Beau fruit d’une union sacrée… Rayan allait désormais illuminer le cocon familial avec sa demi-soeur Gloria et son demi-frère Francisco Javier.
En amour, il n’est rien d’impossible. Tout devient possible. Younès retrousse alors les manches et enchaîne les boulots (peinture, maçonnerie, etc), et à la force de ses bras et sa hauteur de vue, il a réussi à acquérir une maison dans ce bout de paradis qu’est Mazarrón, haut-lieu touristique du sud d’Espagne.
Andrea est depuis une femme comblée, autant que ses bouts de chou Rayan, Gloria et Francisco Javier. Jusqu’à ce noir dimanche 13 juin 2021 quand, au détour d’une grillardière, elle reçoit la nouvelle tragique. « Cours… cours… Younès a été abattu sur la terrasse de la cafétéria El Muelle », s’affole un ami du défunt à l’autre bout du fil.
Younès venait alors de recevoir deux balles traîtresses au niveau de la poitrine et la jugulaire, son assassin, un ex-militaire, avait visé le pronostic vital de sa victime, ne lui laissant aucune chance de survie. Carlos, auteur de cet acte lâche et abject, était un homme inconnu du foyer de Younès, comme le précisera plus tard la veuve Andrea. « C’est un crime raciste », s’est-elle insurgée, devant les caméras des journalistes venus l’interroger.
Aveuglé par la haine du « Moros », le crâne rasé n’a pas supporté qu’une serveuse espagnole s’assoie à la même place où s’étaient attablés Younes et quelques amis. Il n’a pas supporté que Marocains et Espagnols puissent échanger, partager et communier. Il ne savait pas que l’amitié n’avait pas de couleur, de religion, il est le produit pur jus de cette idéologie xénophobe, raciste et haineuse alimentée par des partis d’extrême-gauche et droite, et une certaine presse biberonnée à la haine des « Maures ».
Il est vrai qu’il a brisé un foyer, fait une veuve et des orphelins inconsolables, mais il a échoué à tuer l’amour d’Andrea, Rayan, Gloria et Francisco Javier pour Younès. « Merci pour toutes ces années, merci pour tout ce que tu nous as donné (…) J’espère que vous continuerez à prendre soin de nous du ciel. J’espère que tu vas bien là où tu es et que tu sais que je ne me lasserai pas de te dire merci pour tout. Je t’aime », a dit Andrea.
Younès doit être heureux là-haut…