Levée de l’immunité de l’ex-président catalan indépendantiste: la bataille politico-judiciaire s’annonce longue

L’étau se resserre autour de l’ancien président de la région autonome catalane et deux de ses conseillers. Le Parlement européen a levé, par un vote à bulletin secret, l’immunité parlementaire de Carles Puigdemont, Toni Comín et Clara Ponsatí, accusés de « sédition » ainsi que, dans le cas de MM. Puidgemont et Comín, de « détournements de fonds publics ».

Cette décision, qui balise le chemin à la poursuite de l’examen de leur extradition réclamée par l’Espagne pour leur participation à l’organisation du référendum d’indépendance de la région en 2017, ouvre également une bataille politico-judiciaire entre le gouvernement central espagnol et l’exécutif régional catalan, dirigé par une coalition de partis indépendantistes.

Alors que le gouvernement de Pedro Sanchez mène une course contre la montre auprès des institutions européennes pour reprendre la procédure d’extradition des trois indépendantistes, Carles Puigdemont et Toni Comín, qui vivent en Belgique, et Clara Ponsatí, installée en Ecosse, ont déjà exprimé leur intention de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) contre cette décision.

Pour le gouvernement espagnol, la levée d’immunité des trois anciens responsables catalans adoptée par plus de 400 voix pour, près de 350 contre et une quarantaine d’abstentions, constitue « un message de soutien à l’État de droit et à la justice espagnole ».

« Le gouvernement a toujours été attaché au dialogue et à la négociation dans la gestion de cette affaire », a indiqué la ministre espagnole des Affaires étrangères, de l’UE et de la coopération, Arancha Gonzalez Laya, dans une brève déclaration à la presse.

Avec leur vote, les députés européens ont adressé un triple message, a précisé la ministre. Premièrement, qu' »un député européen ne peut pas profiter de son statut pour se protéger de la comparution devant les tribunaux nationaux pour d’éventuelles violations des lois nationales », a-t-elle dit.

En plus, a ajouté Mme Laya, la décision du Parlement européen consolide « l’Etat de droit en Espagne et renforce l’action de la justice espagnole », faisant observer que la levée de l’immunité affirme que « les problèmes de la Catalogne doivent être résolus en Espagne, pas en Europe ».

Selon la cheffe de la diplomatie espagnole, la ligne adoptée par le gouvernement espagnol « est de tendre la main aux forces politiques catalanes pour trouver une solution à la situation en Catalogne par le dialogue et la négociation ».

Toutefois, pour les trois élus au Parlement européen en mai 2019, la Cour suprême espagnole n’est pas compétente pour demander leur extradition, tout en dénonçant une « persécution politique » pour leurs idées sur l’indépendance de la région catalane.

« C’est un triste jour au Parlement européen. Nous avons perdu notre immunité, mais le Parlement européen a perdu beaucoup plus », a estimé l’ancien président régional catalan à l’issue de la publication de la décision du Parlement européen, ajoutant que « c’est la démocratie européenne » qui a perdu dans cette affaire.

Pour Puigdemont, la CJUE est « la seule qui puisse réparer les dommages qui ont été causés à la démocratie européenne pour des raisons strictement politiques ».

« Avec ce procès, nous pensons qu’il sera possible de réparer les graves dommages qui ont été causés après le vote sur la levée de notre immunité », a-t-il martelé.

La décision du Parlement européen n’est pas le seul coup dur reçu par le mouvement indépendantiste catalan. Lundi, un tribunal de Barcelone a décidé de révoquer le régime de semi-liberté qui a été accordé à plusieurs dirigeants catalans condamnés et emprisonnés dans le cadre de la tentative de sécession de 2017.

Le retrait de l’immunité, étant une procédure lourde, est cependant la phase la plus simple du chemin que la justice espagnole doit parcourir pour obtenir l’extradition de l’ancien président catalan et les deux anciens conseillers. Le combat politico-judiciaire s’annonce déjà long et épineux.

Omar EL MRABET (MAP)