La controverse sur la vaccination des personnes qui ne font pas partie des groupes prioritaires établis dans le protocole espagnol anti-Covid s’étend à de plus en plus de secteurs, et touche déjà au moins 700 personnalités, dont la plupart sont des hommes politiques de gauche comme de droite, des hauts fonctionnaires, des syndicalistes et dirigeants militaires, entre autres.
De ce total, seule une dizaine de responsables ont décidé de quitter leurs postes ou ont été poussés à la démission après avoir reçu la première dose du vaccin alors qu’ils ne figuraient pas dans la liste du premier groupe de vaccination.
Le cas le plus retentissant est celui de l’ancien chef de l’état-major de l’armée espagnole, le général Miguel Ángel Villarroya, qui a présenté sa démission après avoir été accusé d’avoir reçu le vaccin avant les groupes à risque comme il est prévu dans la stratégie nationale de vaccination massive contre le nouveau coronavirus.
Villarroya a été contraint de quitter son poste après l’ouverture d’une enquête sur les personnes ayant bénéficié de la vaccination au sein de la direction militaire. Cette démission est intervenue quelques heures après le licenciement également d’un haut responsable de la Garde civile espagnole pour la même raison.
Des ministres régionaux, comme c’est le cas de Manuel Villegas, conseiller régional de la Santé à Murcie, des maires de différentes régions d’Espagne et de divers partis politiques, des directeurs d’hôpitaux publics et des personnalités du monde des affaires auraient fait usage de leur pouvoir ou de leur position pour recevoir la première dose alors qu’ils ne figuraient pas parmi les catégories prioritaires pour se faire vacciner.
Pire encore, les justifications brandies par la majorité de ces personnalités ont avivé la polémique dans l’un des pays les plus touchés par la pandémie et dont l’activité économique tourne au ralenti.
Certains ont justifié leur comportement arguant qu’il y avait un «trop grand nombre de vaccins» et qu’ils préféraient ne pas gâcher les doses disponibles dans un pays qui a vacciné seulement 2,5% de sa population (46 millions), depuis le début de l’opération le 27 décembre 2020.
L’Espagne, dont l’objectif est de faire vacciner 70% de la population d’ici la fin de l’été, n’a réceptionné que 4,5 millions de doses.
Face à cette situation, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), au pouvoir, a demandé la démission de ses responsables publics ayant violé le protocole de vaccination contre le Covid-19 et suspendu quatre de ses maires. De son côté, la principale formation de l’opposition, le Parti Populaire (PP), a exprimé son soutien à ses cadres vaccinés, assurant qu’ils faisaient partie des groupes de risque.
Le parti de gauche Podemos, partenaire du gouvernement de coalition aux côtés des socialistes, a dénoncé la « corruption » dans l’administration des vaccins et demandé la sanction des responsables vaccines « illégalement ».
En Espagne, la stratégie de vaccination contre la COVID-19 est échelonnée et les critères établis sont très clairs : les groupes prioritaires d’abord.
Selon la stratégie approuvée par le ministère de la santé, dans la première phase de vaccination, qui vient de terminer, les premières personnes à recevoir le vaccin sont les résidents et le personnel des maisons de retraite, les travailleurs de la santé de première ligne contre la pandémie et les travailleurs socio-sanitaires, ainsi que les grandes personnes à charge non institutionnalisées.
Critiqué déjà pour le retard enregistré dans le rythme de vaccination depuis le lancement de cette opération le 27 décembre dernier à cause des problèmes dans les livraisons des doses par les différentes compagnies pharmaceutiques, le gouvernement espagnol fait face à un problème d’ordre éthico-politique qui accentue le malaise de l’opinion publique.
Omar EL MRABET (MAP)