Douze prisonniers d’opinions algériens, incarcérés à la maison d’arrêt de Bordj Bou-Arréridj (210 km au sud-est d’Alger) ont entamé lundi une grève de la faim pour dénoncer leur « incarcération injuste », selon leurs avocats.
Dans un communiqué, le collectif des avocats de la défense a précisé que ces détenus d’opinion, incarcérés à la prison d’Aïn Soltane à Bordj Bou-Arréridj, ont opté pour cette action extrême pour protester contre leur « incarcération injuste » et exprimer leur « position inchangée envers ce système ».
Ils ont été arrêtés pour leurs opinions politiques, pour des publications sur les réseaux sociaux et des marches pacifiques auxquelles ils ont participé.
Le collectif a, de même, dénoncé les conditions dans lesquelles travaillent les avocats de la défense, réitérant son soutien aux détenus d’opinion et à toutes les personnes poursuivies dans ce cadre.
Les avocats s’élèvent aussi contre les dépassements, le non-respect des procédures et la non-application de la loi.
« Nous avons constaté, par exemple, que toutes les poursuites judiciaires qui avaient pour objet des publications sur les réseaux sociaux ont été faites sans autorisation préalable de la justice pour accéder à ces pages, comme le stipule la loi », lit-on dans le même communiqué.
Il indique avoir « constaté la poursuite et la condamnation d’un jeune à la prison ferme sur des faits antérieurs à la loi en ignorant qu’une loi ne peut avoir un effet rétroactif que si le législateur s’est expressément prononcé sur ce point ».
Me Mounir Gherbi, l’un des avocats du collectif de défense, cité par les médias algériens, a expliqué qu’en termes de droit algérien, le principe de non-rétroactivité des lois est considéré comme une des pierres angulaires de la sécurité juridique.
« Le principe de non-rétroactivité de la loi est l’inapplicabilité de la nouvelle loi sur les actes et relations juridiques qui se seraient produits avant son entrée en vigueur, ainsi que sur les effets de ces actes et relations, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible qu’une nouvelle loi puisse régir des situations », précise l’avocat, citant la condamnation de l’activiste Lahcène Bencheikh, en première instance et en appel, a été prononcée sur des faits antérieurs à la loi.
Le collectif des avocats rappelle qu’il recense tous les dépassements et qu’il agit selon ses convictions et en total respect des lois en vigueur.
Selon un dernier décompte établi par le Comité national pour la libération des détenus (CLND), une centaine de détenus politiques et d’opinion croupissent dans les prisons en Algérie où les arrestations et les condamnations se sont poursuivies en 2020 alors que l’année 2021 démarre avec de nouveaux procès.
La même source a précisé que 87 détenus politiques et d’opinion purgent des peines de prison à travers le pays ou sont incarcérés dans l’attente de leur jugement.
Dernièrement, la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme (LADDH) a dénoncé une régression des droits de l’Homme dans le pays en évoquant une « violation continue » des droits des citoyens et un « recours abusif » à la détention préventive.
« Le pouvoir a profité de la crise, des mesures de confinement et des restrictions en raison de la pandémie de Covid-19 pour procéder à des arrestations ciblées des activistes pensant ainsi briser le Hirak », dénonce la LADDH dans son rapport annuel.
« Si le régime continue de ne pas respecter les droits de l’Homme, il aura ainsi fait le choix du chaos qu’il assumera devant l’histoire », met-elle en garde, relevant que le pouvoir algérien « est entre deux choix : sauver le système ou sauver le pays ».
Elle fait remarquer qu’après un « Hirak pacifique et exemplaire de plus de 20 mois, qui a mis les droits humains au centre du combat pour la dignité et la liberté, la situation a régressé ».
Cette montée de la vague de la répression en Algérie a aussi provoqué l’ire du Parlement européen qui a « condamné fermement l’escalade des arrestations et détentions illégales et arbitraires et du harcèlement judiciaire dont sont victimes les journalistes, les défenseurs des droits de l’Homme, les syndicalistes, les avocats, les membres de la société civile et les militants pacifiques en Algérie ».
Dans ce même élan de dénonciation, des dizaines de journalistes algériens, issus de divers horizons, ont fustigé un « climat de peur » dans le pays et exprimé leurs « inquiétudes » face à la multiplication des dangers qui menacent les professionnels des médias.
« L’exercice du journalisme relève de la mission impossible face à l’oppression et à la peur », dénoncent ces journalistes dans une récente pétition rendue publique à Alger, tout en appelant les autorités algériennes à « honorer leurs engagements, itératifs dans les discours officiels » et à « respecter la liberté de la presse ».
Les signataires de la pétition ont dressé un constat accablant de la situation de la presse dans le pays, marquée notamment par « les incarcérations, le harcèlement moral, les menaces, les poursuites judiciaires, les convocations par la Police judiciaire, le chantage par la publicité institutionnelle, les interférences visant à orienter les lignes éditoriales ».
Ces actes sont devenus des « risques majeurs, auxquels les journalistes sont confrontés comme une fatalité », déplorent-ils.