La répression s’abat sur la liberté de la presse en Algérie

Décidément, les autorités algériennes ne font que peu de cas de la liberté d’expression et de presse dans le pays.

Depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril 2019, les Algériens guettaient des signes d’ouverture et une nouvelle ère empreinte de liberté et de démocratie. Ils formulaient l’espoir que les nouveaux tenants du pouvoir en Algérie rompent avec les anciennes pratiques, mais que dalle !

Les autorités ont, à contrario, exploité la crise sanitaire imposée par le Covid-19 pour durcir davantage la répression. Dès lors, la censure devient un moyen de prédilection pour dompter les voix dissidentes, montrant de la sorte le vrai visage du régime.

Pour s’en convaincre, il suffit de passer en revue la longue liste des journaux et sites censurés et des journalistes privés de visa ou incarcérés ces derniers temps sous un prétexte ou sous un autre.

Ces pratiques d’un autre âge ont d’ailleurs suscité l’indignation de plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme et partis politiques qui dénoncent une « volonté de verrouiller le paysage médiatique » dans le pays.

Ainsi, outre les médias bloqués depuis des mois à l’instar de « Interlignes », « Radio M », « TSA » et « Maghreb Emergent », une dizaine de sites d’information ont eu droit au même sort de censure comme c’est le cas de « Twala.info » lancé en octobre 2020 et « Tariq News » et « Casbah Tribune » fondé par le journaliste incarcéré Khaled Drareni.

Face à cette répression qui va crescendo avec l’ampleur de la crise multidimensionnelle dont s’engouffre le pays, des voix se sont élevées appelant à cesser « les intimidations des médias » et dénonçant une « atteinte à la liberté de la presse » et « au droit à l’information ».

C’est le cas de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) qui a dénoncé « une nouvelle attaque contre la presse électronique ». « Les radios et sites électroniques Radio M, Maghreb Emergent, Casbah Tribune, Tariq News, Twala, TSA, Interlignes, Ultra Sawt, Ameslay et Chihab sont censurés le mercredi 02 décembre 2020 et inaccessibles depuis l’Algérie », déplore Said Salhi, vice-président de la LADDH sur sa page facebook.

Selon lui, il s’agit encore une fois d’une « attaque contre la liberté de la presse et d’expression ».

Dénonçant une campagne de « cybercensure », le président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD-opposition), Mohcine Belabbas, estime de son côté qu’avec ces pratiques « le pouvoir amplifie la colère citoyenne et rajoute des ingrédients pour accélérer le retour des manifestations de rue ».

Idem pour l’Association « Rassemblement actions jeunesse » (RAJ) qui a dénoncé des mesures arbitraires qui constituent une « atteinte flagrante au droit à l’information, à la liberté d’expression et de communication à quelques jours de la journée internationale des droits humains ».

D’après les médias algériens, cette série de blocage « s’inscrit dans un climat de répression qui vise les militants du « Hirak » malgré la suspension, depuis mars dernier, des marches hebdomadaires en raison du coronavirus, mais aussi les journalistes », dont Khaled Drareni arrêté en mars dernier alors qu’il couvrait une manifestation populaire avant d’être condamné le 15 septembre à deux ans de prison ferme pour « atteinte à l’unité nationale » et « incitation à attroupement ».

D’après un dernier décompte du Comité National pour la Libération des Détenus (CNLD), quelque 85 Algériens croupissent toujours dans les prisons pour des motifs liés généralement à des publications sur les réseaux sociaux ou en relation avec les manifestations.

Cette montée de la vague de la répression en Algérie a aussi provoqué l’ire du Parlement européen qui a « condamné fermement l’escalade des arrestations et détentions illégales et arbitraires et du harcèlement judiciaire dont sont victimes les journalistes, les défenseurs des droits de l’Homme, les syndicalistes, les avocats, les membres de la société civile et les militants pacifiques en Algérie ».

Dans ce même élan de dénonciation, des dizaines de journalistes algériens, issus de divers horizons, ont fustigé un « climat de peur » dans le pays et exprimé leurs « inquiétudes » face à la multiplication des dangers qui menacent les professionnels des médias.

« L’exercice du journalisme relève de la mission impossible face à l’oppression et à la peur », dénoncent ces journalistes dans une pétition rendue publique à Alger, tout en appelant les autorités algériennes à « honorer leurs engagements itératifs dans les discours officiels » et à « respecter la liberté de la presse ».

Les signataires de la pétition ont dressé un constat accablant de la situation de la presse dans le pays, marquée notamment par « les incarcérations, le harcèlement moral, les menaces, les poursuites judiciaires, les convocations par la Police judiciaire, le chantage par la publicité institutionnelle, les interférences visant à orienter les lignes éditoriales ». Ces actes sont devenus des « risques majeurs, auxquels les journalistes sont confrontés comme une fatalité », déplorent-ils.

Face à ces appels incessants et aux mises en garde adressées par plusieurs ONG et organismes nationaux et internationaux, les autorités algériennes crient au complotisme et continuent à censurer.

Mahmoud El Kali (MAP)