Au temps des ruptures, quels sens pour nos territoires?

Si nous considérons la crise actuelle comme la manifestation d’un temps de ruptures en termes de discours et dans la pratique de l’action territoriale, il faut donc préparer nos espaces de vie à ce genre de rupture. Autrement dit, il faut donner du sens à nos territoires.

En réalité, la rupture se manifeste de différentes manières dans différents territoires, notamment en matière de gestion des affaires des collectivités territoriales, ce qui implique à la fois le public et le privé, le traditionnel et le moderne, le conjoncturel et le structurel, l’instant et le futur. Tout se mêle dans ces espaces et nous invitent à repenser le sens de ces questions.

  • Un pas pour soi, deux pas pour les autres

Dans cette conquête du sens, il y a le retour vers soi en prenant en compte les ambivalences, les exigences et les attentes de l’autre dans ces espaces de vie que nous partageons ensemble. Dans un contexte épidémique, la question suscite une double réflexion à la fois sur le sens de nos responsabilités individuelles envers les autres, et en même temps de notre destin collectif. D’où l’intérêt de penser à l’autre deux fois avant soi, et c’est une condition profonde pour dépasser la crise.

  • Dépasser la crise, réapprendre à marcher

Dépasser veut dire autre chose dans le contexte de crise, c’est être capable d’anticiper les perturbations, d’en minimiser les effets et de se relever et de rebondir grâce à l’apprentissage, l’adaptation et l’innovation, je parle ici de la question de la résilience territoriale, qui ne doit plus être un effet de mode, mais un vrai outil pour la veille territoriale, et c’est de l’intelligence des acteurs qu’il faut pour construire des régions où on peut produire de la valeur sociale. Permettre également de développer des « capabilités » du territoire à travers un système de digitalisation à effets multiples sur l’activité économique en termes de création d’emploi et de productivité des entreprises.

Aujourd’hui, il y a matière à repenser l’approche de l’aménagement du territoire surtout dans la conception future des Orientations de la politique publique de l’Aménagement du Territoire en prenant en compte les dimensions de résilience et la vulnérabilité pour une prospective territoriale au service de la population.

L’enjeu peut paraitre fatal au regard de la faille qui existe entre ce qui se fait dans le terrain et ce qui s’explique dans le papier, mais il est toujours temps de réinventer nos modes d’action, de réadapter en fonction des vocations de chaque territoire, de faire de l’écoute un nouveau mode d’apprentissage et de valorisation des savoir-faire de l’administration territoriale. Autrement dit, de créer du sens avec les autres acteurs, de chercher les communs et de faire du dialogue un véritable outil de conception des projets qui ont du sens pour la population surtout celle de la marge.

  • Pour une culture de la marge

Depuis quelques années, nous chantons tous les termes d’égalité, d’équité spatiale et territoriale. Aujourd’hui, la crise nous a révélé que la marge doit prendre un autre élan ; au-delà des discours, il faut plus que jamais passer à l’action.

L’action ne peut se faire en détriment des acteurs concernés par la marge. Longtemps, nous considérons les terroirs éloignés comme la manifestation d’un Maroc inutile. Même si ce terme est dépassé, aujourd’hui, il est fortement utilisé dans l’opinion publique. Il nous faut là aussi donner du sens à la marge. Le modèle de développement doit interpeller les acteurs de la marge, mais au-delà, s’approprier les conditions, les vocations, les limites, les potentialités en termes de différenciations, d’appropriation. Bref, il ne faut pas nous contenter d’en prendre conscience, il faut agir, et c’est cela le sens qu’il faut donner à la marge. L’action réside dans la nécessité de démarrer les projets structurants, de leurs donner du sens avec ceux de l’économie solidaire. Il faut croire à la marge !

 

  • Crise du sens ou sens de la crise ?

Depuis le début de cette chronique, il était question de crise à plusieurs reprises. La crise, ici, se manifeste comme le temps long de la réflexion à laquelle nous songeons ensemble. Le sens qu’elle porte est exactement le fruit d’un débat ouvert avec les différents acteurs, mais dans ce récit, elle ne saura réduite à la question d’une perturbation sociale ou économique, éthique ou sanitaire., mais bien plus que cela, elle est globale, systémique et rappelle le sens de notre destin collectif.

 

  • Le « New normal », ou quand le normal devient une question nouvelle

Tout ce que nous avons l’habitude faire, qui relève de l’ordre de l’évidence devient aujourd’hui chose nouvelle, ce qui interpelle le citoyen du devenir de son espace qu’il considère auparavant libre, ouvert et sans mesure.

Aujourd’hui, et devant ce contexte nouveau, tout le monde se donne du temps à repenser sa santé, son déplacement, à bien choisir le moment de faire ses courses, d’aller à son travail, d’étudier, de voyager. Ne plus saluer, ni embrasser, maintenir la distance est devenue une question de vitalité. Tout est bouleversé. Le changement des comportements humains quotidiens interpelle le sens à donner au normal, d’où le terme de la nouvelle normalité, caractérisé par le changement radical de l’appropriation de nos territoires du vécu, ce qui implique de nouvelles valeurs, de nouvelles visions du sensus.