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Les lundis de Mohamed Khoukhchani. Maroc–États-Unis : Une alliance vieille de 250 ans

Comment la transformer en pont entre les peuples ?

Par : Mohamed Khoukhchani

 

Lorsque le sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah annonça en 1777 la reconnaissance par l’Empire chérifien de l’indépendance des États-Unis d’Amérique, il ne se doutait pas que sa décision diplomatique poserait les bases de l’une des plus anciennes alliances continues de l’histoire américaine.

Aujourd’hui, près d’un quart de millénaire plus tard, la relation maroco-américaine demeure un joyau diplomatique rare, qui soulève une question essentielle : comment transformer ce partenariat gouvernemental en un véritable rapprochement entre les peuples ?

De la reconnaissance à la souveraineté : étapes historiques d’une amitié durable

Tout a commencé en 1777, lorsque le Maroc devint le premier pays au monde à reconnaître l’indépendance des États-Unis, devançant ainsi toutes les puissances européennes.

Ce geste n’était pas une simple marque de sympathie, mais un choix stratégique du sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah, qui voyait dans la jeune république américaine un allié potentiel face aux menaces coloniales européennes sur les côtes marocaines.

En 1786, fut signée à Marrakech le « Traité de paix et d’amitié », encore en vigueur aujourd’hui, le plus ancien du genre dans l’histoire des États-Unis.

Ce traité ne se limitait pas aux échanges commerciaux ; il instaurait un cadre institutionnel pour la relation bilatérale, incluant la liberté de navigation, la protection des ressortissants et des biens, ainsi que la coopération contre la piraterie.

De la Seconde Guerre mondiale à la guerre froide : le Maroc, partenaire stratégique

Le débarquement allié sur les côtes marocaines lors de l’opération Torch en 1942 marqua un tournant dans le renforcement de la coopération militaire.

Après l’indépendance du Maroc en 1956, le Royaume devint un allié majeur de l’Occident dans la lutte contre l’expansion soviétique, abritant notamment la base aérienne de Ben Guerir, symbole durable de la coopération stratégique entre Rabat et Washington.

Les accords modernes : du libre-échange aux Accords d’Abraham

La signature de l’Accord de libre-échange en 2004 constitua une étape décisive dans la consolidation du partenariat économique, faisant des États-Unis l’un des principaux partenaires commerciaux du Maroc.
Mais le moment le plus marquant survint en décembre 2020 avec la signature des Accords d’Abraham, qui consacrèrent la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur son Sahara et l’ouverture d’un consulat américain à Dakhla.

Cette position américaine n’était pas fortuite : elle venait couronner un soutien constant au plan marocain d’autonomie présenté en 2007, que Washington considère comme « la seule solution sérieuse, crédible et réaliste » à un conflit régional vieux d’un demi-siècle.

Le défi actuel : d’une alliance des gouvernements à une proximité des peuples

Malgré la solidité du partenariat institutionnel, une question demeure : ce rapprochement s’est-il réellement étendu aux peuples ?

La réponse reste mitigée, car le niveau de compréhension et d’interaction populaire n’est pas encore à la hauteur du potentiel existant. Plusieurs obstacles subsistent :

Un échange culturel limité : le nombre d’étudiants marocains aux États-Unis reste modeste par rapport à l’Europe, et les programmes d’échanges demeurent restreints.

Des défis touristiques persistants : le manque de vols directs suffisants et une image du Maroc encore trop exotique aux yeux du public américain, sans réelle perception de sa richesse historique et culturelle.

Une coopération économique inachevée : malgré des investissements américains importants, le partenariat n’a pas encore favorisé des projets conjoints à l’échelle des PME ou de l’économie locale.

Comment renforcer le rapprochement populaire ?

Pour transformer cette alliance gouvernementale en véritable pont entre les peuples, plusieurs pistes peuvent être envisagées :

1. Renforcer les échanges éducatifs : multiplier les bourses réciproques et créer des centres culturels dans les grandes villes des deux pays.

2. Développer le tourisme bilatéral : ouvrir davantage de lignes aériennes directes et promouvoir la diversité culturelle et patrimoniale du Maroc.

3. Encourager les partenariats de la société civile : soutenir la coopération entre ONG dans les domaines de l’autonomisation des femmes, de l’environnement et du développement durable.

4. Utiliser la diplomatie numérique : exploiter les réseaux sociaux pour diffuser une image moderne et authentique des deux nations.

Conclusion

L’alliance maroco-américaine est une histoire diplomatique exceptionnelle, fondée sur 250 ans de respect mutuel et d’intérêts partagés.

Le défi actuel consiste à faire évoluer cette relation d’un partenariat politique vers une amitié humaine, culturelle et économique globale.

L’histoire a déjà bâti un socle solide. Il reste désormais à la volonté politique, à la société civile et au secteur privé d’unir leurs efforts pour donner à cette alliance une dimension populaire durable — faisant du lien entre le Maroc et les États-Unis un modèle de coopération entre nations et entre peuples.

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