Par: Mohamed El GAHS

Elle devait «être heureuse», forcément «heureuse». Petits soldats et grands oracles de l’ultralibéralisme triomphant nous l’ont annoncé sur tous les tons. Dont le moindre ne fut pas, et demeure, celui de l’injonction à la soumission tout aussi heureuse et… reconnaissante.
La mondialisation, ce stade ultime du destin humain et sa conclusion paradisiaque, ne saurait souffrir le moindre doute, le moindre questionnement. Silence dans les rangs. D’ailleurs, tout a été verrouillé. On connaît la suite. Et surtout le résultat : le désastre d’aujourd’hui, très mondialisé lui aussi.
La mondialisation donc. De l’économie, de l’information, de la culture, de la politique, des modes, des comportements. Ce mouvement implacable marchera sans pitié sur tous les repères, toutes les institutions que l‘humanité a patiemment mis en œuvre dans sa longue quête de civilisation. Dans le cadre de lois, de conventions, de contrats, de traditions, de règles…
Dans cette dilution systématique de l’ancien monde, il ne restait plus que la zone grise où chacun s’efforce de confectionner dans son petit coin sa participation à la chute finale. Puisqu’il n’y a plus, ou bientôt plus, de digues, de remparts qu’ils soient institutionnels, moraux ou culturels contre la dictature du vide, l’attrait du néant, la pulsion de mort.
Pour aggraver le tout et précipiter le mouvement: les évènements, les modes, les tocades, sont devenus instantanément et terriblement contagieux à l’échelle planétaire. Surtout les pires. La dictature de l’opinion remise la démocratie représentative au rayon des vieilleries. Aucune autorité n’échappe à la contestation, voire au rejet ou au mépris: l’autorité politique, l’autorité académique (école, savoir), l’autorité parentale, l’autorité morale (ou éthique si l’on préfère) …
Pour l’heure, partout dans le monde, dirigeants politiques, enseignants, parents, intellectuels et toutes les instances, jadis de médiation et /ou de décision, ne font qu’accompagner le mouvement. De compromis en capitulation, la démission n’est pas très loin. Le chaos avance sous des apparences fort sympathiques: indignation, démocratie participative, démolition du passé «rance» et du présent invivable. Après on verra. Cette régression se veut «féconde». Las, l’histoire nous enseigne sur la nature de ce dont accouche ce genre de déliquescence: des tyrannies dont on met si longtemps à se relever… quand on se relève.
Voilà pour le côté obscur de l’époque. Mais après la sidération, une alternative unique sauf à qui ose encore prétendre penser, agir, ou aider à agir: l’abdication devant la fatalité ou le sursaut ?
Le sursaut bien sûr. Et là, il convient de recenser les leviers à disposition. Dont le plus vital, les plus évident: la Nation.
La Nation comme dernier rempart et ultime socle. Sur lequel et à partir duquel, il faut parer et reconstruire. Or, la Nation se trouve précisément être la première visée par la déferlante ultralibérale et ses multiples dérivés idéologiques (est-ce bien un hasard ?!). Le marché mondialisé, le profit et le cynisme qui leur tient lieu de ressort majeur haïssent l’idée de Nation, d’Etat, de souveraineté, et de la légitimité qu’ils confèrent à une résistance au triomphe de la voracité. Si le monopole économique, l’hégémonie de la sous-culture et toutes les formes de tutelle du colonialisme ne suffisent pas, on recourt allègrement à la déstabilisation, à la partition ou carrément à la destruction des Etats-Nations.
Donnée pour morte, depuis des lustres, par moult travaux idéologiques qui se veulent savants, l’idée de Nation résiste encore. Mieux, elle revient en force. Car précisément, nulle démocratie n’a pu exister et ne peut se concevoir en dehors du cadre strictement national. Ensuite, pour être réellement universaliste, ce qui est notre conviction et notre idéal, il convient pour le moins de construire dans le cadre national sa propre contribution politique, économique, culturelle à l’universalisme. De même que c’est exclusivement dans cet espace national que l’apport universel viendra enrichir, ouvrir et augmenter l’épanouissement, le progrès et le bien-être des peuples.
C’est pour cette raison fondamentale que repenser la Nation, la réhabiliter dans sa légitimité philosophique et politique pleine et entière, nous semble une tâche prioritaire et cruciale. A partir de là, tous les autres leviers, l’Etat en premier, l’Ecole, la Culture, les services publics en général, la sécurité, la diplomatie, mais aussi l’économie et le modèle social de redistribution et de solidarité, les libertés fondamentales, tout, absolument tout, doit tendre vers la réhabilitation et la réinvention du seul destin commun viable: la souveraineté nationale. Souverainisme ? Oui, absolument. Et de gauche, pour être clair.