Dans un article paru dans le quotidien en ligne « focusmediterraneo« , Marco BARATTO, expert en relations internationales, rend un fervent hommage au sacrifice et au courage des soldats marocains qui ont participé à la libération de l’Italie lors de la Seconde Guerre mondiale (1ᵉʳ septembre 1939 au 2 septembre 1945). Voici une traduction de son article.
Par: Marco BARATTO ★

« 80 ans après la fin de la guerre, en tant qu’Italien, je m’incline devant les soldats marocains et leurs enfants. Ma liberté est le fruit du sacrifice de leurs pères. En tant qu’Italien, mon cœur va vers les tombes de ces soldats ».
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la contribution des soldats marocains à la libération de l’Italie fut cruciale. Faisant partie du Corps expéditionnaire français en Italie (CEFI), ces troupes se sont distinguées par leur courage et leur efficacité lors des opérations militaires menées le long de la péninsule italienne entre 1943 et 1945.
Le Corps expéditionnaire français en Italie et les Goumiers marocains
Le CEFI comptait environ 112 000 hommes, dont une part importante étaient des soldats marocains, connus sous le nom de Goumiers. Il s’agissait de troupes spécialisées dans la guerre en montagne et le combat rapproché. Originaires pour la plupart des zones rurales du Maroc, ils étaient experts en guérilla et dans l’utilisation de terrains accidentés, ce qui les rendait particulièrement adaptés aux batailles difficiles dans les Apennins et le long de la ligne Gustav.
Le CEFI, commandé par le général Alphonse Juin, fut déployé en Italie en 1943 et participa à de nombreuses opérations décisives pour la libération du pays. Les soldats marocains furent principalement employés dans la campagne d’Italie, combattant aux côtés des forces alliées contre l’armée allemande et les unités fascistes de la République sociale italienne.
Les batailles décisives
L’un des affrontements les plus significatifs dans lesquels les soldats marocains se sont distingués fut la bataille du Mont-Cassin, entre janvier et mai 1944. La bataille visait à percer la ligne Gustav, l’une des défenses allemandes les plus fortifiées d’Italie. Après des mois d’assauts infructueux des troupes alliées, les Marocains, avec d’autres unités du CEFI, furent employés à la difficile avancée à travers les montagnes environnantes. Grâce à leur expérience des combats en terrain difficile, ils réussirent à prendre le contrôle de positions stratégiques, forçant les Allemands à battre en retraite et contribuant ainsi à la libération de Rome, qui eut lieu le 4 juin 1944.
Un autre moment crucial fut l’offensive de la Ligne Gothique à l’été 1944. Les troupes marocaines, grâce à leur mobilité et à leur résistance, se distinguèrent lors de l’assaut contre les fortifications allemandes en Émilie-Romagne et en Toscane. Leur avancée accéléra l’effondrement des défenses ennemies et favorisa l’entrée des forces alliées dans le nord de l’Italie.
Courage et controverses
La valeur militaire des Goumiers marocains était largement reconnue par les Alliés. Leur capacité à opérer dans des conditions difficiles, leur détermination au combat et leur adaptabilité aux terrains accidentés en ont fait une unité essentielle pour la victoire dans la campagne d’Italie.
Héritage historique et reconnaissance
Malgré quelques zones d’ombre liées à des épisodes précis, parfois accentuées pour des raisons de politique interne. En fait, il était important de discréditer le rôle des Alliés pour alimenter le «mythe de la Résistance».
Le Parti communiste italien, en particulier, a fortement soutenu le récit de la Résistance comme élément fondateur de l’identité nationale, soulignant sa contribution dans la lutte contre l’occupation nazie-fasciste. Et c’est le Parti communiste italien lui-même qui a mis en évidence les cas négatifs commis par les troupes marocaines. L’intention était clairement de discréditer le rôle des Alliés afin de construire le faux mythe de la Résistance. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu d’épisodes répréhensibles mais ces faits ont été amplifiés pour mettre les Alliés sous un mauvais jour et exalter les partisans communistes.
Du côté opposé, c’est-à-dire à droite, ces épisodes négatifs sont aujourd’hui utilisés à des fins de propagande anti-immigration et, dans le passé, ils ont été les méthodes avec lesquelles la République sociale italienne a présenté ses alliés (de toute nationalité) comme des occupants. À cet égard, l’affiche montrant un soldat allié noir violant une femme italienne et les mots «défendez-la» reste célèbre.
Cette fois encore, l’histoire se plie à la raison politique. Il est indéniable qu’il y a eu des épisodes de violence contre les civils, des événements tragiques qui, bien que non justifiables, doivent être condamnés, comme il faut le faire pour des actes similaires commis par d’autres forces militaires (y compris italiennes) sur divers théâtres de guerre, y compris dans les Balkans.
Dans le même temps, la contribution des soldats marocains à la libération de l’Italie représente un aspect fondamental de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Leur participation fut décisive pour favoriser l’avancée des Alliés en 1944 et 1945, accélérant la défaite des forces allemandes et contribuant de manière significative à la fin du conflit. Dans l’après-guerre, le sacrifice de ces soldats fut reconnu par diverses distinctions honorifiques. Beaucoup d’entre eux ont reçu des décorations pour leur valeur militaire de la part de la France et des Alliés. Cependant, leur contribution est souvent restée en retrait par rapport aux récits officiels de la libération, qui tendaient à mettre l’accent sur le rôle de la Résistance italienne. Ces derniers prirent en charge la libération nationale, alors qu’en réalité elle était secondaire et numériquement peu incisive comparée au sacrifice des Alliés.
Au Maroc postcolonial, le rôle des Goumiers durant la Seconde Guerre mondiale a plutôt été valorisé comme un exemple de sacrifice et d’engagement des soldats marocains dans une guerre menée loin de leur patrie. Les soldats marocains ont joué un rôle décisif dans la libération de l’Italie, se distinguant dans certaines des batailles les plus difficiles de la campagne d’Italie. Leur contribution fut essentielle pour percer les lignes défensives allemandes et permettre la victoire alliée. Mais leur mémoire est aussi marquée par la violence contre les civils, qui a laissé une blessure ouverte dans l’histoire italienne. Cette blessure doit être guérie et non utilisée à des fins politiques, d’abord par la gauche, maintenant par la droite.
Je m’adresse aux Marocains en Italie de la même manière, ils doivent se sentir fiers de leurs ancêtres, qui ont libéré l’Italie. La liberté de l’Italie, c’est aussi grâce aux Marocains, leur sang a consacré, si je puis dire, cette nation, et dans un certain sens, ils doivent la défendre. La liberté de l’Italie est également cimentée par le sang des Marocains et des autres croyants musulmans et c’est pour cette raison qu’ils doivent la ressentir comme sacrée.