Par: Salaheddine Lalouani*
Les séries Mindhunter et Monster s’attaquent à un thème commun : celui des tueurs en série, mais elles en abordent l’aspect sous des angles très différents. Tandis que Monster mise sur l’émotion et la dramatisation, Mindhunter adopte une approche plus subtile et réfléchie, centrée sur l’analyse psychologique des criminels.
Monster, lancée en 2022, se concentre sur l’histoire de Jeffrey Dahmer, un criminel tristement célèbre pour ses meurtres sordides. La série s’attarde principalement sur les événements traumatisants et choquants liés à ses crimes, en offrant une narration puissante et visuellement frappante. Cependant, ce qui manque ici, c’est une véritable exploration de l’esprit de Dahmer. Bien que l’histoire personnelle du tueur soit abordée, l’analyse de ses motivations reste superficielle, et le spectateur est davantage confronté aux répercussions dramatiques de ses actes qu’à une réelle compréhension psychologique de son comportement.
Dans la même veine, la deuxième saison de Monster traite des frères Menendez, accusés d’avoir tué leurs parents. L’aspect familial et les tensions sous-jacentes occupent une place centrale, mais, comme pour la saison précédente, l’aspect psychologique est laissé de côté au profit de la tension dramatique. Loin de s’intéresser en profondeur à la psychologie des personnages, Monster se concentre sur les effets émotionnels de leurs actes et sur l’horreur de leur histoire.
À l’inverse, Mindhunter (2017-2019) suit un chemin tout autre. Loin des sensations fortes et de la dramatisation des crimes, la série se concentre sur l’étude de la psychologie des tueurs en série. En suivant les agents du FBI Holden Ford et Bill Tench, Mindhunter plonge dans l’univers des entrevues avec des criminels en prison dans le but de mieux comprendre leurs comportements. Des personnages comme Edmund Kemper, Jerry Brudos et Richard Speck sont au cœur de ces investigations, et la série prend un soin particulier à décortiquer les mécanismes mentaux qui poussent ces individus à tuer. Loin d’une simple reconstitution des faits, chaque entretien devient une analyse approfondie du profil criminel, avec un objectif clair : apprendre à identifier les signes avant-coureurs pour éviter d’autres meurtres.
Ce qui fait la force de Mindhunter, c’est sa capacité à proposer une exploration sérieuse et réfléchie des comportements criminels, en mettant l’accent sur les raisons profondes qui poussent ces individus à agir de la sorte. Contrairement à Monster, qui se concentre sur la violence et les émotions, Mindhunter invite le spectateur à une réflexion plus intellectuelle. Les dialogues entre les agents et les tueurs sont riches en détails et en révélations psychologiques, offrant une perspective unique sur les rouages de l’esprit criminel. Bien que Mindhunter ait une base de fans fidèles, elle n’a pas atteint la même popularité que Monster, notamment en raison de son ton plus calme et de son rythme plus lent.
Monster, plus spectaculaire, a réussi à capter l’attention du grand public en se concentrant sur les aspects dramatiques et visuellement percutants des meurtres. Mindhunter, elle, se distingue par son approche professionnelle et ses analyses complexes, prenant le temps de décortiquer le fonctionnement des tueurs sans sombrer dans le spectaculaire. Elle nous invite à voir au-delà du crime et à comprendre comment de tels comportements peuvent être détectés avant qu’ils ne se transforment en tragédies. L’annulation de Mindhunter après seulement deux saisons a été une grande déception pour ses fans.
Bien que la série ait remporté un certain succès critique, elle n’a pas eu le même impact commercial que d’autres productions similaires. Pourtant, elle a su établir des bases solides et poser des questions cruciales sur la criminologie, l’identification des signes de danger et la manière dont le FBI a commencé à développer des profils criminels. Ces thèmes sont d’une importance capitale et méritent d’être approfondis.
La comparaison entre Mindhunter et Monster révèle un contraste saisissant : là où Monster met en scène les meurtres de manière sensationnaliste et spectaculaire, Mindhunter choisit de se concentrer sur l’analyse rationnelle des comportements criminels, avec un regard professionnel et sans jugement. Mindhunter pose des questions essentielles, telles que : pourquoi ces individus commettent-ils des meurtres ? Comment pouvons-nous reconnaître les signes précurseurs ? Et, plus important encore, comment éviter ces crimes à l’avenir ?
Une suite à Mindhunter serait non seulement justifiée, mais essentielle. Il reste encore tellement à découvrir sur la psychologie des tueurs en série et sur la manière dont les autorités ont appris à repérer ces profils criminels. La série a ouvert une porte sur un univers complexe, mais elle n’a pas eu le temps de tout explorer. Une suite offrirait une opportunité unique de poursuivre cette analyse profonde, de continuer à décomposer les comportements humains et de répondre à des questions cruciales qui sont encore largement sans réponse.
*Critique de cinéma