Comme nous l’avons signalé dans notre édition du 15 juin 2020, l’étude réalisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur la politique sportive au Maroc a péché par une pléthore de références biographiques et institutionnelles. Une approche d’autant plus inutile que le CESE était exclusivement chargé d’évaluer la mise en œuvre de la « stratégie nationale du sport à l’horizon 2020 ».
Laquelle stratégie a été élaborée lors des assises du sport tenues en 2008 à Skhirat sur la base d’un message royal on ne peut plus explicite où le sport a été disséqué avec une précision chirurgicale. Non seulement le Souverain avait relevé tous les dysfonctionnements qui entravent la progression de notre sport mais il a jeté les bases de son redressement tout en mettant en garde contre la théorisation et la rhétorisation: « Il ne s’agit pas non plus de déployer des trésors de rhétorique pour gloser sur une réforme théorique qui conduirait inéluctablement à tomber dans le piège contre lequel nous n’avons cessé de mettre en garde, en l’occurrence un cercle vicieux qui consiste à changer le changement et à réformer la réforme ». Le message royal était d’une grande teneur, précis et englobant toutes les problématiques du sport à tel point que les acteurs sportifs l’ont adopté comme document de base pour élaborer la stratégie du sport.
D’ailleurs les membres de la commission du CESE n’ont trouvé rien à dire sur la pertinence de cette « stratégie » sauf de reconnaitre que: « La stratégie nationale a formulé une vision politique très ambitieuse et a défini des leviers et axes stratégiques clairs et pertinents qui restent toujours d’actualité ». Raison de plus pour se concentrer sur les causes qui ont entravé sa mise en œuvre au lieu de disperser les efforts dans la lecture des rapports du CESE France, d’un ouvrage de Patrick Bayeux, la charte mondiale ou européenne sur le sport ou encore l’expérience de l’association TIBU. D’autant que la conclusion la plus importante du CESE recommande la transformation de la stratégie nationale sur le sport en une politique publique opérationnelle en appui sur une loi-cadre.
Certes l’étude a pointé du doigt l’absence d’une budgétisation de cette stratégie, les difficultés d’application de la loi-30/09 faute de lois d’application, la transversalité de la politique sportive (interférence de plusieurs ministères) et le peu d’implication des collectivités locales dans le secteur sportif. Mais ses recommandations n’ont rien apporté de nouveau sauf ce que l’on sait déjà, depuis longtemps, à travers la presse sportive et les rapports des spécialistes de droit et d’économie sportive voire l’audit du ministère de la jeunesse et des sports. On ne sait pas par exemple à quoi servirait cette remarque faite par cette étude sur l’audit du ministère de la justice: « Contrairement à ce qui ressort du bilan du MJS en 2017, d’importantes réalisations ont eu lieu notamment à travers l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) ». Cette initiative n’avait pas besoin d’être mise exergue dans ce contexte à moins de vouloir lancer des fleurs à ses responsables qui n’en avaient pas besoin. De l’avis de tout le monde, l’INDH a contribué au développement de plusieurs secteurs à travers tout le royaume mais il ne faut pas oublier que sa gestion a été, aussi, entachée par plusieurs dysfonctionnements et autant de gabegies.
Par contre, ce que le CESE devait préconiser, c’est la mutualisation des budgets alloués au sport dans les programmes de l’INDH mais aussi ceux de plusieurs intervenants dans le sport (ministères et collectivités locales). L’étude aurait été plus intéressante si elle avait quantifié les apports financiers de tous ces intervenants pour qu’ils soient intégrés dans le budget du ministère de la jeunesse et des sports qui ne dépasse pas 1,1% du budget total de l’Etat. Malheureusement le CESE est tombé dans la piège auquel le Roi avait, pourtant, mis en garde en voulant changer le changement et réformer la réforme par son appel à la création d’un comité de pilotage. Au lieu de tomber dans le travers de la réunionite et du commissionisme, le CESE devait appeler à fédérer toutes ces ressources dans le seul ministère de la jeunesse, des sports et de la culture.
D’abord ce département si important qui allait déjà très mal avec deux secteurs distincts (jeunesse et sports) a été alourdi par celui de la culture dans le seul but de dégraisser un gouvernement pléthorique. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le sport ou les sports n’ont rien à voir avec la jeunesse (des maisons de jeunes et des colonies de vacances) ni avec la culture (avec tous ses arts). Les sports constituent une question de compétitions de haut niveau à l’échelle nationale, régionale et mondiale où l’on doit gagner et non pas plaire. Des compétitions universelles qui génèrent des passions, du patriotisme et beaucoup d’argent pour les vainqueurs. L’étude du CESE a raison d’ériger le sport en politique publique avec une loi-cadre. Mais pour ce faire, il faut un ministère dédié exclusivement aux sports et muni d’un budget conséquent pour justement mettre en œuvre la stratégie nationale du sport élaboré lors des assises de 2008. Sans un ministère des sports et des sports seulement, il n’y aura jamais de politique sportive nationale et le Maroc continuera à manger son pain noir dans les compétitions régionales, continentales et mondiales.