La dexaméthasone, ce médicament accessible au public et pas très coûteux, est le premier remède avéré susceptible de sauver des vies de patients gravement atteints de Coronavirus.
Le Royaume-Uni, pays hôte de cette découverte rassurante de l’Université d’Oxford qui permettra, plus ou moins, d’apaiser les esprits, a déjà autorisé l’usage de cette molécule dans le traitement des patients atteints de Covid-19 depuis le début de cette semaine.
Il s’agit d’une hormone glucocorticoïde de synthèse qui a un effet anti-inflammatoire et immunosuppresseur. Sa puissance est environ 40 fois celle du cortisol.
La dexaméthasone est familièrement utilisée pour traiter diverses maladies inflammatoires et auto-immunes. Elle est également administrée aux patients atteints de cancer qui subissent une chimiothérapie, pour contrecarrer certains effets secondaires de leur traitement anti-tumoral.
« J’avais longtemps travaillé sur cette substance. C’est un anti inflammatoire ‘très fort’, je ne suis pas surpris qu’il ait donné des résultats dans le traitement de Covid-19 en cas d’inflammations sévères », explique à la MAP, Amin Hajitou, professeur au prestigieux Imperial College de Londres.
Contrairement aux essais cliniques sur la chloroquine, qui font l’objet de polémique, M. Hajitou s’est dit “très satisfait” de l’essai clinique fait sur la dexaméthasone.
Les chercheurs de cet essai, intitulé Recovery (Randomised Evaluation of Covid-19 TherapY), ont, indique-t-il, utilisé cette molécule dans le traitement de 2.100 patients atteints de Covid-19, qui sont en état sévère et placés sous respiration assistée, tout en utilisant « un groupe contrôle », composé de plus de 4.200 patients qui n’ont pas reçu la dexaméthasone.
En comparant les résultats des deux groupes, les chercheurs ont constaté que le traitement a réduit d’un tiers la mortalité chez les malades placés sous ventilation artificielle, alors que dans le cas des patients placés sous oxygénation, cette molécule a pu sauver deux patients sur dix.
En revanche, le traitement n’a montré aucun résultat chez les patients qui n’affichent que des symptômes légers ne nécessitant aucune assistance respiratoire.
Mais pour ne pas trop s’emballer, le chercheur et inventeur marocain qui est également expert dans le développement des virus thérapeutiques contre le cancer, précise que ce médicament ne constitue pas encore un traitement général de Covid-19, « c’est un anti inflammatoire qui sert à sauver des vies”.
Pourtant, le résultat de ce traitement est « logique », commente M. Hajitou, notant que “la dexaméthasone est un anti-inflammatoire très puissant”, qui peut être administré quand “le virus provoque une inflammation incontrôlable, qui attaque non seulement les cellules infectées, mais aussi celles saines”.
La bonne nouvelle est que la dexaméthasone n’a pas fait d’effets secondaires, car la dose administrée aux patients est souvent “très limitée”.
L’usage de ce médicament, en vente libre, est aussi encouragé par l’Organisation mondiale de santé (OMS) pour son efficacité et son coût pas cher. Le traitement total d’un patient pendant 10 jours coûterait 54 livres sterling (environ 640 dirhams), selon le chercheur.
De même, le gouvernement britannique, qui a déjà autorisé son usage par le service national de santé britannique (NHS), a placé la dexaméthasone dans la liste des médicaments à exporter afin d’en généraliser l’accès et empêcher les compagnies pharmaceutiques de monopoliser sa vente, ajoute-t-il.
Bien qu’il soit efficace dans le traitement de certains cas sévères, ce médicament “ne pourra remplacer les mesures de distanciation sociales”, car « il ne peut pas empêcher la transmission du virus, toujours présent dans l’environnement, et qui a besoin des cellules humaines pour se répliquer”, explique-t-il.
Outre la Grande Bretagne, d’autres pays autoriseront bientôt l’usage de ce médicament, estime le chercheur.
Outre le traitement de coronavirus, la dexaméthasone est déjà utilisée pour réduire l’inflammation dans une série de pathologies, comme l’arthrite, l’asthme et certaines affections cutanées. Ce médicament semble aider à empêcher certains des dommages qui peuvent se produire lorsque le système immunitaire de l’organisme est surchargé alors qu’il essaie de combattre le virus.
Mais si les spécialistes ont tranché sur l’efficacité de cette molécule à sauver des vies, les discussions entre les cliniciens se poursuivent quant au meilleur moment de son administration mais aussi concernant sa posologie, étant donné que les corticoïdes sont également connus pour favoriser la multiplication des virus.
Nabila Zourara-MAP