En Italie, la fermeture d’une école pour l’Aid El Fitr suscite la polémique (l’éclairage du politologue Marco Baratto)

Pour permettre à ses élèves, à 40% musulmans, de fêter la fin du ramadan, une école près de Milan décrète un jour de congé, le 10 avril. Ce geste d’empathie fait pourtant polémique dans une Italie généralement tolérante. Pour expliquer les ressorts de cette polémique aux relents d’extrême droite, le politologue Marco Baratto a publié un édifiant article dans le média « focumediterraneo.it ». Le Collimateur le reproduit avec l’aimable accord de l’auteur. 

Par Marco Baratto*

Comprendre l’Islam: un moyen d’éviter les controverses et les problèmes pour les élèves musulmans en Italie

La récente controverse politique a donné lieu à l’affaire dite « Pioltello ». Elle est devenue, pour utiliser un terme moderne, « virale ». La question a été soulevée par la décision du conseil scolaire « Iqbal Masih » de Pioltello (Milan) de fermer l’école le 10 avril pour marquer le congé de fin de Ramadan. La décision de la commission scolaire a été prise à l’unanimité après avoir examiné la résolution de suspension des cours, déclarée irrégulière par le bureau régional des écoles.

Ce fait a déclenché la controverse politique, la tempête habituelle, utilisée par les deux parties à des fins purement électorales et sans aller au fond du problème. Les deux parties ont adopté une position purement politique, alimentant un débat pendant quelques jours, mais sans apporter de solutions. Pourtant, le problème serait à portée de main et des situations comme celle de Pioltello seraient surmontées. Le seul obstacle est le manque de compréhension de l’islam en Italie. Pourquoi dis-je qu’une compréhension permettrait d’éviter des situations comme celle de Pioltello ? La réponse se trouve dans les accords déjà conclus avec des confessions autres que le catholicisme. À titre d’exemple, je citerai le dernier accord conclu, par ordre chronologique, à savoir celui conclu avec l’Église d’Angleterre en Italie. L’article 8 de cet accord prévoit que: « Les fidèles de l’Église d’Angleterre en Italie qui sont employés par des organismes publics ou privés, ou qui sont indépendants, se voient garantir le droit de s’abstenir de travailler, dans le cadre de la flexibilité de l’organisation du travail, le vendredi saint, avec l’obligation de rattraper les heures de travail correspondantes et sans avoir droit à une quelconque compensation pour les heures supplémentaires. Le vendredi saint, l’absence de l’école des élèves appartenant à l’Église d’Angleterre sera considérée comme justifiée à la demande des élèves eux-mêmes s’ils sont majeurs ou des titulaires de la responsabilité parentale ».

Cet article, pour muté qu’il soit, est également présent dans d’autres accords entre l’Etat et les confessions religieuses. A titre d’exemple, je cite l’accord avec les orthodoxes (Patriarcat œcuménique de Constantinople), dont les fidèles se voient accorder « le droit de s’abstenir de travailler lors des grandes fêtes religieuses suivantes: la Circoncision du Seigneur, la Sainte Théophanie, le Samedi Saint, le Dimanche de Pâques, le Dimanche de Pentecôte, la Dormition de la Mère de Dieu, le Noël du Seigneur et la Synaxe de la Mère de Dieu, avec l’obligation de rattraper les heures de travail correspondantes et sans aucun droit à la compensation des heures supplémentaires ».

On pourrait m’objecter que l’Islam en Italie ne « parle pas d’une seule voix ». Je pense qu’il s’agit d’une thèse et d’une approche erronées. En effet, personne n’a demandé aux confessions chrétiennes autres que le catholicisme d’avoir un représentant unique, et malgré cette absence de sujet unifié, elles ont procédé à des accords individuels avec des relais chrétiens individuels. Qu’est-ce qui empêcherait la signature d’accords individuels avec les nombreuses voix de l’islam en Italie ? Les seuls enjeux que le législateur pourrait mettre en place sont peu nombreux mais simples: le premier est que les associations islamiques, avec lesquelles conclure des accords individuels, s’engagent à respecter les valeurs de la Constitution, en particulier l’article 7, dans la partie qui stipule qu’elles « n’entrent pas en conflit avec l’ordre juridique italien ». Que la personne qui dirige la prière soit une personne dûment formée. Et c’est précisément sur ce point que je voudrais rappeler, à titre d’exemple, ce qui est stipulé dans l’accord avec les luthériens, où il est précisé que l’Église (luthérienne) « délivre une certification appropriée de la qualification de pasteur, de diacre ou de presbytre ». Ce serait un pas important que de demander aux associations islamiques sincères qui veulent s’entendre avec l’État une certification de la qualification d’imam, de prédicateur ou de prédicatrice, revalidée par des instituts garantis par les États-nations, je ne pense qu’à titre d’exemple à l’institut Mohammed VI, dont la fonction est précisément de former ceux qui peuvent diriger les prières, y compris d’un point de vue juridique. Cette reconnaissance, y compris juridique, éviterait l’instrumentalisation de la « question islamique » par les deux factions politiques. Une instrumentalisation qui n’est pas bonne pour la nation, ni pour les Italiens de confession musulmane, ni pour le fait que l’islam est depuis toujours un élément constitutif de la culture italienne.

*Politologue italien