Les enjeux de la prochaine visite du Ministre italien des Affaires étrangères au Maroc – Par Marco Baratto

Le ministre italien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, M. Antonio Tajani, est attendu à Rabat en décembre prochain pour consolider les liens et les relations d’amitié entre l’Italie et le Maroc. Le politologue italien Marco Baratto a saisi cette occasion pour souligner, via le quotidien « Fatti Nostri », l’importance stratégique de cette visite pour la relation bilatérale. « Le Royaume du Maroc offre à Rome une opportunité unique d’accélérer la mise en œuvre  du « Plan Mattei » annoncé par Giorgia Meloni, lors de son investiture le 25 octobre 2022 en tant que première ministre, et dont le but est de promouvoir un rapport renouvelé avec l’Afrique », explique M. Baratto, en mettant en exergue le rôle clef du Royaume en tant que porte d’entrée exceptionnelle vers l’Afrique. Pour mieux comprendre les enjeux de la prochaine visite de M. Tajani au Maroc et la nouvelle stratégie italienne en Afrique, le Collimateur, avec l’accord de l’auteur, reproduit in extenso cet article édifiant. 

Par Marco Baratto*

Le Royaume du Maroc offre à Rome une opportunité unique d’accélérer la mise en œuvre du «Plan Mattei», qui vise à renforcer les liens économiques et politiques de l’Italie avec le continent africain. L’influence croissante du Maroc, notamment dans les pays francophones, représente un avantage stratégique pour l’Italie, car le Maroc s’est imposé comme un acteur clé en Afrique grâce à son réseau de relations économiques et culturelles et au rôle central que jouent ses entreprises dans le secteur bancaire, l’énergie et les banques marocaines, par exemple, ont une présence importante dans les économies d’Afrique de l’Ouest et centrale, garantissant une infrastructure financière solide et un vaste réseau de contacts qui facilitent l’accès à des marchés difficiles à pénétrer pour les autres pays européens. Rome pourrait donc s’appuyer au plus près sur les institutions financières marocaines. Utiliser les compétences, les relations et les capacités « locales » pour pénétrer ces marchés sans avoir à créer une présence institutionnelle ou entrepreneuriale à partir de zéro.

En outre, le Maroc a su se forger une image de partenaire fiable et stable, renforçant les liens politiques avec les pays francophones et offrant une stabilité économique qui attire les investisseurs internationaux. En collaborant avec les entreprises marocaines, Rome pourrait tirer parti de ces liens existants et aligner ses intérêts sur ceux de Rabat, en développant des initiatives conjointes respectueuses des sensibilités locales et bien acceptées par les populations et les gouvernements africains.

Le « Plan Mattei » de Rome, soutenu par la collaboration avec le Maroc, pourrait donc devenir plus efficace et plus rapide, donnant à l’Italie une position plus forte sur le continent africain et lui permettant de rivaliser plus efficacement avec les autres puissances internationales. Cette synergie italo-marocaine pourrait s’avérer décisive dans la consolidation d’un partenariat stratégique, orienté vers le développement économique et la stabilité de l’ensemble de la région.

Défis communs

La Méditerranée, qui unissait autrefois les peuples grâce à des échanges commerciaux et culturels, est désormais également le théâtre de défis communautaires complexes liés à la sécurité et à l’immigration. L’Italie et le Maroc partagent la nécessité de gérer efficacement les flux migratoires irréguliers, qui traversent la Méditerranée et impliquent des milliers de personnes à la recherche de meilleures conditions de vie. L’immigration illégale représente une question complexe qui nécessite une gestion bilatérale et multilatérale, avec la collaboration des pays d’origine, de transit et de destination.

Dans ce contexte, la coopération entre l’Italie et le Maroc ne se limite pas aux initiatives économiques, mais englobe également la sécurité et la stabilité régionales. Le Maroc, avec sa position géographique stratégique et son rôle de pont entre l’Afrique et l’Europe, représente un partenaire fondamental pour l’Italie et pour toute l’Europe dans la lutte contre les trafics illicites, le terrorisme et les réseaux de migration clandestine.

Une proposition de collaboration également dans le monde religieux

Outre les secteurs économique et sécuritaire, l’Italie et le Maroc pourraient trouver une collaboration dans les domaines culturel et religieux, visant à promouvoir le dialogue et l’intégration interreligieux.

Un exemple d’une telle collaboration possible est le lien de l’Italie avec l’Institut Mohammed VI pour la formation des imams, des prédicateurs et des chefs religieux. Fondé au Maroc en 2015, cet institut a pour objectif de former des chefs religieux en promouvant un islam modéré et tolérant, fondé sur les principes de la coexistence pacifique.

L’Italie, où vit une importante communauté musulmane, pourrait trouver dans le modèle de l’Institut Mohammed VI une opportunité de soutenir la formation d’imams capables de s’intégrer et de contribuer positivement à la société italienne. Grâce à la collaboration avec cet institut, l’Italie vise à former des chefs religieux capables de promouvoir un islam qui s’intègre aux valeurs de la société italienne, en encourageant le dialogue interculturel et en luttant contre les phénomènes de radicalisation. Ce projet pourrait s’insérer dans une vision plus large d’inclusion et d’intégration, fondamentales dans une société de plus en plus multiculturelle et multireligieuse.

*Politologue italien