Par Aziz DAOUDA*
Nous sommes en pleine refonte du système scolaire à ce qu’il parait. Je n’ai pas souvenir qu’une refonte se soit faite et bien menée dans un climat délétère de tension, de grève, d’offense à l’autorité de l’Etat puisque finalement c’est de cela qu’il s’agit en ce moment. Les grèves à n’en plus finir, maintenues et perpétuées par des entités sans existences juridiques ni légalité institutionnelle, voilà qui pousse à une réflexion profonde nécessaire et urgente quant à l’avenir du climat social prédominant ou qui va prédominer à l’avenir. Une mutation importante s’opère devant nous en ce qui concerne la représentativité des travailleurs et salariés de tout bord. Mais là n’est pas le sujet.
Les grèves à répétition depuis trois mois et les propos parfois cohérents, parfois non de « professeurs grévistes » écoutés çà et là dans différents médias, les annonces à répétition du gouvernement, à chaque fois non suivi d’effet, laissent comprendre la profondeur du malaise et du mal-être des uns et des autres, mais pas des raisons derrière cette situation.
Oui, les enseignants ne sont pas contents, oui le gouvernement répète à qui veut l’entendre qu’il comprend la colère des grévistes, qu’il est prêt à apporter des solutions et il en apporte et pourtant le malaise est persistant.
La question donc est de comprendre pourquoi le dialogue n’aboutit pas, pourquoi les revendications ne sont pas entendues et les solutions ou concessions du gouvernement ne sont pas acceptées.
S’agit-il de crise de posture ou de crise institutionnelle ?
Bien malin celui qui peut aujourd’hui trancher.
En tous cas et en attendant de voir enfin les enfants sur les bacs et les enseignants craie à la main, je me suis permis de sortir et me rappeler les livres scolaires d’il y a longtemps. Ceux d’arabe du valeureux feu Ahmed Boukmakh, manuels nous ayant initié à la langue arabe, ses finesses et sa richesse.
Qui se rappelle le livre d’histoire des cours moyens et de certificat d’études, les deux dernières années du cycle primaire qui permettait aux détenteurs du graal d’accéder à la fonction publique au grade de rédacteur, de policier, d’infirmier, de postier et de tant d’autres fonctions et métiers. Et oui avec 5 années de scolarité seulement, le citoyen était capable d’écrire et de s’exprimer correctement en arabe et en français… Aujourd’hui ce n’est plus le cas hélas… Les différentes « réformes » successives mal inspirées et l’instabilité des programmes ont enlisé dans la médiocrité un enseignement naguère excellent.
Lisez un peu une page prise au hasard dans un de ces manuels pour voir ce qu’était le niveau de savoir alors atteint par l’élève et à quel niveau d’expression linguistique il était promu. Ces manuels ont pour certains aujourd’hui près de 70 ans.
Montrez ce genre de livres à ceux en charge de la réforme et aux enseignants grévistes, afin qu’ils se rendent compte du gap qui nous sépare de la belle époque de notre enseignement.
Entre nous et cette époque-là, une grande distance et un grand écart de niveau. Comment en sommes-nous arrivés à dilapider de tels acquis.
Si vous avez des enfants de ce niveau scolaire, comparez les anciens manuels avec ceux dont ils se servent aujourd’hui.
Si la réforme en gestation aujourd’hui n’est pas en mesure de nous assurer ce niveau et plus, alors on aura raté un autre tournant de l’histoire et une autre occasion de nous mettre sur les rails, basculant notre pays et son avenir dans l’inconnu, menaçant son progrès et son histoire.
Alors le Doyen Charles André Julien et sa fameuse lettre adressée le 1er novembre 1960, à M. Bennani, directeur du protocole royal de l’époque, afin d’informer feu Sa Majesté Mohammed V sur les dérives et danger qui guettaient l’enseignement dans notre pays, suite aux premières décisions prises pour soi-disant le réformer…
La lettre est ici publiée séparément dans Bluwr pour ceux qui voudraient comprendre combien elle était prémonitoire.
*Directeur Technique et du Développement de la Confédération Africaine d’Athlétisme