A quand notre liberté de déambuler dans les boulevards casablancais ? (Par Naamane GHIZLANE)

Par Naamane GHIZLANE*

Couverte de la tête aux pieds, avec une tenue sportive des plus discrètes, histoire d’éviter d’attirer l’attention, sur mon passage par mon corps féminin.

Je prends mon courage à deux mains et je m’aventure dans mon quartier, où je me sens le plus sécurisée, pour les bienfaits du sport, dans l’espoir aussi d’y laisser quelques kilos cumulés, suite aux multiples tentations de l’art culinaire marocain, meublées de succulents tajines et autres, et finalement pour évacuer également, une partie du stress quotidien.

Je ne peux me vanter de dire que je cherchais à respirer de l’air pur, vu la pollution casablancaise, mais celle-ci n’est rien devant ce qui m’attendait.

Pour être honnête, je ne sais pas par quoi commencer:

Les sans abris?

Ces  » êtres non identifiés » de loin, jetant une grosse couverture délabrée sur leurs épaules, la tête enfouie à l’intérieur, le visage balafré, les pieds nus, titubant dans un état des plus terrorisants à vous procurer un malaise, car ils s’arrangent toujours pour vous coincer dans une ruelle assez déserte, pour demander l’aumône.

Pourtant des milliers de couvertures et d’habits sont distribuées chaque année, par les associations à ces gens en situation de rue, ces derniers dans leur désespoir, préfèrent les vendre, afin de se procurer des drogues, et malheureusement continuent à mendier dans un état des plus piteux.

Ceci est dans le cas où vous en rencontrez un de sobre, qui n’est pas sous l’effet de la drogue ou alcool, sinon vous n’avez qu’à prendre vos jambes à votre cou et courir, car ils peuvent être très agressifs et vous attaquer.

Heureusement qu’ils ne me font pas très peur, car je connais leurs codes, dont j’use rapidement pour les calmer et les éloigner gentiment, c’est une chance qui peut ne pas toujours marcher n’empêche!

Certes, ces pauvres malheureux font également pitié, mais ils font peur et ils sont partout.

Vient au second plan, les voitures et camions-kamikazes, qui vous agressent avec leurs klaxons s’ils ne vous tuent pas, puisque les trottoirs au risque de se prendre une fracture déjà, sont soit cassés, soit étroits, soit remplis de chaises de cafés, de plus, il faut marcher la tête baissée pour ne pas se prendre à la figure une de ces barres de fer des stores, installées sur les vitrines des commerces, tout ceci oblige le piéton à marcher sur la chaussée, en parallèle avec les voitures au risque de sa vie, et par moment, les trottoirs n’existent pas carrément, ce phénomène, je ne saurais l’expliquer.

La cerise sur le gâteau, c’est le regard au-delà de l’indiscrétion que porte sur vous les hommes en particulier, n’importe lesquels, de la gente masculine de toutes catégories, de tous âges, de tous niveaux sociaux, un regard mi-vicieux, mi-méchant, un regard hautain, creusé d’arrières-pensées, jusqu’à parfois murmurer quelques phrases qui te font douter de pleins de choses, entre autres de votre liberté, de seulement marcher trente minutes dans la rue, mais non, une présence féminine automatiquement incite à la drague.

Et pour finir, la phobie des motards qu’ils vous arrachent vos lunettes, ou vous coincent dans une ruelle pour vous demander de vider vos poches, pour le téléphone ou le peu de monnaie que vous prenez sur vous pour vous dégourdir les jambes, puisque je ne portais ni sac ni bijoux, ou sinon ils vous donnent un coup juste pour le plaisir.

Finalement, je suis rentrée encore plus stressée, plus énervée, déçue et frustrée.

A quand notre liberté de déambuler dans les boulevards Casablancais, sans nous retourner chaque minute pour vérifier que personne ne vous suit, pour vous agresser, vous voler ou vous draguer ?!

*Présidente de l’association Riad Al Amal