Ziad Medoukh, enseignant de français à Gaza, a posté ce mardi soir un témoignage poignant sur la cruauté sans faille des bombardements israéliens sur les civils palestiniens. Resté digne et lucide, il ne cache pas son effroi devant cette horreur absolue. Ecoutons-le!
« Bonsoir de Gaza sous les bombes
Il est 20h30 ce mardi 31 octobre 2023
25 jours d’horreur absolue et ça continue
25 jours, je suis horrifié et effrayé et je ne sais pas jusqu’à maintenant comment j’arrive à décrire notre quotidien infernal, et comment j’arrive à témoigner de cette situation horrible.
Comment surtout j’arrive à survivre sur cette terre brûlée
Je suis en colère, et je ne trouve personne pour calmer cette colère accrue
Je me sens impuissant face à cette injustice et cette oppression
Mais je n’ai pas de haine
Je vois la mort jour et nuit
Avec ces bombes qui tombent près de moi toutes les deux trois minutes
Mon coeur saigne
Malgré ma force, et ma patience exemplaire
Je pleure mille fois par jour et je ne trouve personne pour effacer mes larmes
Je n’ai pas tellement peur mais très inquièt
J’essaie de cacher ces larmes légitimes par un petit sourire sur un visage triste qui voit les génocides se reproduire années après années avec la complicité d’un monde officiel qui cautionne les crimes odieux d’un occupant qui déteste la vie et la lumière
De l’interieur, je souffre de la déchirure et de la douleur
Sans montrer tout cela
Je supporte l’insupportable
Dans une région dévastée et laissée à son sort.
J’aime beaucoup la vie comme mon peuple, mais si la mort viendra, personne ne pourra échapper à son destin
Les cinq éléments qui me soulagent dans cette situation catastrophique:
-Les sacrifices de mon peuple, son courage et sa détermination face aux atrocités répétées. Un peuple toujours debout
-Les messages de soutien et de solidarité qui arrivent de tous les coins du monde, ces personnes de bonne volonté dignes et courageux qui soutiennent une cause juste et noble.
Ces messages proviennent des gens magnifiques, ils m’aident à dépasser cette situation horrible sans précédent, ce sont des messages du coeur.
Ces personnes qui proposent des aides, je leur dis que le plus important, c’est la solidarité morale, les encouragements, et la diffusion des informations sur la Palestine.
Les inquiétudes de ces amis et solidaires quand je ne suis pas en ligne et je ne donne pas un signe de vie ou quand le réseau internet est coupé à Gaza est un honneur pour moi le simple citoyen palestinien de Gaza.
-Mes témoignages sur la situation actuelle dans la bande de Gaza, pour moi informer le monde extérieur sur la réalité sur place est un devoir, c’est ma façon de résister à l’occupation
J’accorde des interventions et des entretiens à tous les médias francophones qui me sollicitent, même si quelques médias n’arrivent pas à être objectifs, ils me coupent les paroles et répètent les mensonges et la propagande de l’occupation.
La réalité sur place, personne ne pourra la cacher
Je ne demande pas à ces médias d’être propalestiniens, mais pro-réalité et pro-justice.
Mais je trouve toujours un plaisir à mettre mes témoignages sur ma page Facebook et sur les réseaux sociaux car ils sont lus et reliés par des personnes sincères et solidaires.
Témoigner en direct de Gaza est une tâche très difficile dans les conditions actuelles de bombardements intensifs, de la destruction massive, de la pénurie de l’électricité et la mauvaise connexion internet.
-Ma fierté d’être palestinien, et d’être citoyen de Gaza qui a décidé depuis longtemps de rester sur sa terre et dans sa ville en dépit de toutes les difficultés pour redonner un espoir à sa population civile, et pour remonter le moral d’une jeunesse souvent désespérée dans un contexte de blocus et d’enfermement.
-Mon optimisme et mon espoir pour l’avenir qui sont toujours là en dépit de l’enfer vécu.
Je suis libre malgré l’occupation.
Je resterai toujours ce pacifiste palestinien qui lutte jour et nuit pour un monde sans guerre et sans violence. Un monde de fraternité et d’amour.
Et je poursuivrai mon combat pour la libération de la Palestine et pour la paix dans la justice par une résistance non-violente, par l’éducation et l’attachement à notre terre.
Je ne laisserai jamais le désespoir me dominer.
Amitiés palestiniennes de Gaza la détruite, mais Gaza la résistante, Gaza l’espoir et Gaza la dignité ».