Richard Martin est invité à introduire le débat sous le thème: « Poètes et politiques ». Mais avant de tailler dans le vif, il répond à une question qui était sur toutes les lèvres: comment un navire de guerre peut-il être au service de la paix ?!!
Idée excentrique ? Au départ, beaucoup l’ont ainsi « accueillie ». Richard Martin, fort d’une équipe soudée et prête à en découdre, n’y est pas allé de main morte. Il a réussi à mobiliser l’état-major de la Marine roumaine, qui a mis gracieusement à notre disposition un véritable bijou de son industrie militaire construit dans les années soixante-dix. Un travail de fourmis se déploie alors pour faire partir cette machine de guerre, baptisée du nom de la ville roumaine « Constanta » située sur les rivages du beau fleuve du Danube où il fut construit à l’époque de la Guerre froide.
En mettant à disposition cette « bête de guerre », les autorités roumaines ont démontré que l’on peut aimer à la fois le fusil et le rameau d’olivier.
Mais passons, car si les autorités roumaines avaient été coopératives, leurs homologues françaises l’auront été moins, voire du tout. Richard Martin a dû mettre sa vie en danger pour les amener à coopérer. Un jour, il se suspend à la fenêtre du Théâtre Toursky, à Marseille, prenant à témoin plusieurs journalistes. Alertées, les autorités de la cité phocéenne cèdent… et accèdent à notre demande de soutien.
Les pacifistes étaient décidés à aller jusqu’au bout de leur idée: réunir sur un même bateau deux mondes que tout semblait opposer: d’un côté, des militaires, de l’autre, des artistes!!
Richard martin ne savait pas que c’était impossible, alors il l’a fait!!
A la tribune, vont se succéder Habib Bel Hadi, responsable de l’antenne tunisienne de l’Institut international du théâtre méditerranéen (IITM), Fadel Jaïbi, dramaturge tunisien, sans compter une myriade de poètes, de politiques et de journalistes venus couvrir la rencontre-débat. L’échange était vif et passionnant, il s’agissait de confronter deux visions opposées: celle des politiques, élus pour gérer le monde des possibles, et celle des poètes, qui veulent faire de l’impossible une infinité de possibles!!!
Maintenant, au-delà du débat, que faut-il retenir de l’escale-Hammamet ?
Le confort et le strass du majestueux «Marina Palace»? Les curiosités de la cuisine tunisienne ? Le goût un peu relevé de «l’hrissa»? Le sourire intéressé des bazaristes de Sidi Bousaïd ?, etc, etc.
Que faut-il garder de l’escale-Carthage ? La brise enivrante des dattiers? Le prestige de l’imposant théâtre romain ?, etc, etc.
Si l’équipage était satisfait de l’accueil, il n’aura pas beaucoup apprécié l’étape-Hammamet. C’était dû moins aux très courtois organisateurs, -qui n’ont lésiné sur aucun moyen-, qu’à ce côté assez superficiel de notre escale. On n’a montré à l’équipage que la façade folklorique de Tunis, alors qu’ils voulaient découvrir « la Tunisie profonde »!! «On a vu en nous des clients ni plus ni moins», résume mon confrère et néanmoins ami espagnol, Emilio Garrido (Radio nationale d’Espagne).
En effet, la majorité écrasante des Tunisiens n’ont pas eu les mêmes chances que les parvenus de l’ère Benali. Est-ce d’ailleurs un hasard si la première étincelle du « printemps arabe » a jailli en Tunisie?
L’escale Hammamet nous a toutefois permis de découvrir les mystères de l’histoire millénaire du pays du Jasmin.
Je pense particulièrement à Carthage. Fondée en 814 autour de la citadelle de Byrsa et, selon Virgile, par la reine Didon, Kart Hadasht, qui veut dire «la Nouvelle Ville», fut au centre de tous les intérêts. Sa beauté inégalée fit d’elle un objet de convoitise, sa position stratégique la mit à la croisée des trafics, de marchandises mais surtout de circulation des idées. Elle devint sous César un point de rayonnement intellectuel et religieux sur toute l’Afrique romaine.
Voilà pourquoi Carthage, à l’instar de Bagdad, fut envahie et saccagée à plusieurs reprises. A l’image d’un phénix, elle renaît à chaque fois de ses cendres.