La rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Mary Lawlor, et la rapporteuse sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Fionnuala Ní Aoláin, ont interpellé l’Algérie concernant l’arrestation, la détention et les accusations portées contre le défenseur des droits humains, Zakaria Hannache.
Alors qu’il documente depuis 2019 les cas de prisonniers politiques en Algérie, le défenseur des droits humains aurait été arrêté à son domicile le 18 février dernier par des agents de la police en civil, indiquent-t-elles dans une correspondance adressée au gouvernement algérien.
Pendant sa détention par la police, M. Hannache aurait été interrogé, sans la présence d’un avocat, à propos de son travail en tant que défenseur des droits humains, ainsi que sur des publications qu’il aurait faites en ligne et ses relations avec d’autres défenseurs des droits humains. Il aurait aussi été interrogé sur des conversations qu’auraient eu lieu entre lui et l’équipe de la rapporteuse spécial sur la situation des défenseurs de droits de l’homme, ajoutent-elles.
»M. Hannache aurait été présenté devant le juge d’instruction et accusé d’apologie du terrorisme, d’avoir reçu des fonds d’une institution à l’intérieur ou à l’extérieur du pays pour accomplir ou inciter à des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’État, de porter atteinte à l’intégrité du territoire nationale, de distribuer des publications de nature à nuire à l’intérêt national et de la diffusion de fausses informations et de fausses nouvelles de nature à porter atteinte à la sécurité et à l’ordre public’’, poursuit la même source.
Selon la correspondance, le juge aurait ordonné sa détention provisoire, et l’appel interposé contre cet ordre par les avocats de M. Hannache aurait été rejeté. « Il aurait été détenu à la prison d’El Harrach dans une cellule partagée avec 46 autres détenus ».
Le 7 mars 2022, M. Hannache aurait commencé une grève de faim pour protester contre sa détention. Il aurait continué sa grève jusqu’au 30 mars 2022, où il aurait été mis en liberté provisoire. L’affaire est toujours pendante devant le tribunal et M. Hannache risque jusqu’à 35 ans de prison, déplore les rapporteuses, exprimant de « graves préoccupations » quant à l’arrestation et la détention de M. Hannache, ainsi que les accusations portées contre lui, qui semblent directement liées à son travail en tant que défenseur des droits humains.
« Nous sommes également préoccupés par l’utilisation de certaines dispositions pénales visant à lutter contre le terrorisme, en particulier l’article 87 bis du Code pénal », ajoute la correspondance, rappelant les préoccupations soulevées dans la lettre envoyée au gouvernement algérien le 27 décembre 2021 concernant la définition d’actes terroristes adoptées par l’article 87 bis, ainsi que la portée très large des articles 95 et 196 bis du Code pénal, qui semblent porter atteinte au principe de sécurité juridique, aux droits de réunion pacifique et à la liberté d’expression, et impose des sanctions disproportionnées pour des actes qui ne devraient pas être traités par des législations antiterroristes.
Elles ont, dans ce sens, renvoyé à la résolution 22/6 du Conseil des droits de l’homme, qui demande instamment aux États de veiller à ce que toutes les mesures prises pour combattre le terrorisme et protéger la sécurité nationale soient conformes à leurs obligations en vertu du droit international et n’entravent pas le travail et la sécurité des individus, groupes et organes de la société engagés dans la promotion et la défense des droits de l’homme.
Les rapporteuses spéciales ont ainsi demandé des précisions dans un délai de 60 jours, notamment concernant les motifs factuels et juridiques justifiant l’arrestation, la détention et les accusations portées contre M. Hannache, ainsi que des précisions sur son accès à une assistance juridique et sur les raisons pour lesquelles des accusations liées à l’apologie du terrorisme ont été retenues contre lui et leur conformité aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.