La crise sanitaire du Covid-19 constitue une «aubaine» pour le régime algérien pour poursuivre sa politique de répression contre le Hirak, ce mouvement de contestation populaire qui agite le pays depuis février 2019, affirme, mercredi la Fondation Jean-Jaurès.
Dans une analyse sous le titre «Algérie: Le Covid-19 à la rescousse des généraux», José Garçon, membre de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès, souligne que cette crise permet «aux autorités de poursuivre leur politique de répression et de ne pas apporter de réponses au Hirak, mouvement qui a décidé et qui a dû suspendre sa mobilisation».
«Conspué par la rue, le régime algérien a pu nourrir une première fois, le 12 décembre 2019, le sentiment d’avoir «réussi son coup» en faisant passer en force «son» élection présidentielle. Mais il se heurtait depuis à la même impossibilité: mettre fin au Hirak, cette insurrection populaire exemplaire par son pacifisme, son ampleur et sa maturité», relève l’auteure de cette analyse.
Mais, «un fléau moyenâgeux aura obtenu ce que les «décideurs» militaires n’osaient plus espérer : mettre fin aux marches hebdomadaires du Hirak qui, depuis plus d’un an, exigeaient un «changement de système»», observe José Garçon.
«Donnant là une énième preuve de sagesse et de conscience politique, c’est le Hirak lui-même qui a décidé de suspendre ses rassemblements», souligne José Garçon, journaliste, spécialiste du Maghreb, en particulier de l’Algérie.
Ainsi, «fidèle à lui-même, le régime entend de toute évidence profiter de l’épidémie et de la trêve sanitaire décrétée par le Hirak pour… réprimer et censurer la presse. Partout dans le pays, il cherche à faire taire les récalcitrants – activistes politiques ou journalistes, décourager les autres et faire peur à tous», affirme José Garçon.
Toutefois, «les «décideurs» auraient tort de se réjouir de l’aubaine». Car, avec le Covid-19, le régime doit aujourd’hui gérer un séisme sanitaire majeur dont le coût humain risque d’être dramatique compte tenu du délabrement du système de santé, affirme l’auteure de l’analyse.
«Mise à nu par le Covid-19, cette incurie est dénoncée depuis vingt ans, à coup de grèves à répétition, par médecins et internes des hôpitaux dont la mobilisation fut même l’un des moteurs du Hirak», souligne-t-elle.
Selon cette spécialiste du Maghreb, « le péril sanitaire en Algérie agit comme le révélateur d’une crise qui est aussi politique, économique et sociale. Résister à l’impact de cette crise sanitaire et pétrolière, et sortir le pays de la tempête économique vers laquelle il s’achemine, exige d’abord de sortir de l’impasse politique actuelle pour aller vers une démarche de réconciliation et créer du consensus national. «On en est loin au vu du durcissement sécuritaire observé à l’ombre du Covid-19», affirme l’auteure de l’analyse.