SPORT UNIVERSITAIRE: LA BUREAUCRATIE A LA PEAU DURE

Le sport universitaire dans les pays développés constitue un levier essentiel dans la formation des sportifs d’élite qui se distinguent dans les compétitions internationales. Aux Etats-Unis où le sport est une passion qui frise la religiosité, la renommée d’une université passe d’abord par ses résultats dans les championnats inter-campus.

D’ailleurs pour attirer les étudiants sportifs, les universités américaines n’hésitent pas à leur offrir la moitié de la bourse, voire la totalité. Faut-il s’étonner, outre mesure, quand on sait que des stars comme Michael Jordan (Basket), Tiger Woods (golf), Shaquille O’Neal (basket) et beaucoup d’autres soient issus du sport universitaire? Une règle qui remonte loin dans le temps quand on sait que, Jesse Owens, l’athlète noir qui a défié aux JO de 1936 Hitler et sa théorie de la suprématie de la race aryenne, était un sportif universitaire. L’Américain avait remporté quatre médailles d’or aux épreuves du 100 m, 200 m, relais 4×100 m et du saut en longueur.

Un record qui a duré des décennies avant qu’il ne soit égalé par l’autre américain Carl Lewis dans les années quatre-vingt.

Ce n’est surtout pas un hasard si les campus américains disposent d’impressionnantes installations sportives: stades, salles d’entraînement, terrains de golf, piscines et autres. Normal que la fédération sportive des universités américaines (NCAA), qui compte 460. 000 étudiants-athlètes dans 1280 universités ou collèges, déchaîne les passions et génère des milliards de dollars.

Chez nous, une seule championne de niveau international est issue d’une université… américaine. Aux championnats du monde de Helsinki (1983), Nawal El Moutawakel fut remarquée et recrutée par l’université de l’Iowa où elle poursuivra ses études et réalisera son extraordinaire ascension. Il ne lui a pas fallu longtemps pour monter sur le plus haut podium des Jeux olympiques de Los Angeles de 1984 et devenir ainsi la première femme africaine, arabe et musulmane championne olympique.

Malheureusement les universités marocaines ne produisent pas de sportifs de haut niveau. C’est vrai que les sportifs universitaires marocains participent à des compétitions internationales mais leurs performances demeurent limitées et ne dépassent pas le cadre universitaire.

Tout le monde dit chez nous que l’université constitue une pépinière et favorise l’éclosion des talents. Mais jusqu’à maintenant, rares sont les sportifs issus des campus qui ont brillé dans les championnats du monde ou les jeux olympiques.

Si parmi 150.000 étudiants qui pratiquent divers sports dans les universités on ne recense pas trois ou quatre sportifs d’élite, c’est qu’il y a un hic.

Comme dans le sport national, le sport universitaire souffre de manque d’infrastructures, d’encadrants et de gestionnaires.

Le secrétaire général de la Fédération royale marocaine du sport universitaire (FRMSU) Abdelaziz Takhbart le reconnaît sans détour: «Un ensemble d’obstacles barrent la route aux ambitions des gestionnaires de ce secteur notamment le manque de cadres sportifs dans l’ensemble des universités».

Dans une déclaration faite le 5 mars 2020 à la MAP, Takhbart s’est félicité des résultats obtenus par des athlètes marocains lors des championnats du monde de cross-country qui se sont déroulés en… 2016 en Italie. Le Maroc avait alors décroché la première place du classement individuel et collectif. Ce qui est étonnant, c’est que le responsable de la FRMSU n’a pas évoqué les bons résultats acquis dans cette même discipline lors des championnats du monde qui se sont déroulés en France et en Suisse (2018). Plus étonnant encore, notre confrère «Perspectives» généralement très bien informé en matière d’athlétisme souligne que ces résultats sont réalisés grâce à l’encadrement technique et à la formation assurés par les moyens humains et matériels de la Fédération Royale Marocaine d’athlétisme.

Dans un article publié le 18 avril 2018, le magazine va jusqu’à affirmer que les athlètes qui ont participé à ces championnats ne seraient pas issus du sport universitaire: «… Sur les 24 athlètes marocains engagés dans les différentes catégories aux championnats du monde du cross-country à Paris, treize athlètes sont issus de l’Académie internationale Mohammed VI d’athlétisme, sept athlètes du Centre régional de formation de la FRMA à Khénifra, 1 seul athlète du Centre régional de formation de la FRMA à Benguerir et trois athlètes sociétaires de clubs affiliés à la FRMA».

La FRMSU n’a pas réagi. Une fédération qui diffère de celles que l’on connaît puisqu’elle est toujours dirigée par un ministre de l’enseignement supérieur. Le dernier en date était Khalid Samadi, l’ex-secrétaire d’Etat chargé de l’enseignement supérieur. Du coup, la présidence de la fédération reviendra de facto à son successeur, le ministre délégué, Driss Ouaouicha. La bureaucratie dans tous ses états. A preuve le site de la FRMSU est introuvable.