C’est une révélation des plus fracassantes que celle faite par le Commissaire européen chargé de la Gestion des Crises Janez Lenarčič remettant au goût du jour l’affaire du détournement de l’aide humanitaire par le polisario, avec de nouveaux rebondissements où le programme alimentaire mondial (PAM) aurait joué un rôle clé.
«S’agissant de l’aide apportée aux camps sahraouis, l’allégation d’irrégularité la plus récente (novembre 2019) porte sur 10 paquets (150 kg) d’aliments enrichis destinés à compléter les apports protéiques (CSB), que l’on a retrouvés à la vente en Mauritanie», a affirmé le Commissaire européen en réponse à la question de l’eurodéputé Olivier Chastel sur la poursuite du détournement de l’aide humanitaire par le polisario et l’Algérie.
Voilà qui vient apporter un démenti cinglant aux dénégations de l’Algérie et du polisario, depuis la révélation en 2015 du rapport de l’Office antifraude de l’UE (OLAF), sur leur implication avérée dans les actes répréhensibles de détournements massifs de l’aide humanitaire européenne.
Autre élément important dans la réponse du haut responsable européen est la révélation d’une enquête toute récente du PAM, dont il semble avoir pris connaissance, qui confirme la poursuite de ce détournement malgré les garde-fous et les contrôles multiformes instaurés par l’UE dans le circuit d’acheminement et de distribution mis en place en Algérie, pays hôte.
«Le programme alimentaire mondial (PAM), qui est chargé de distribuer l’aide alimentaire, a mené une enquête approfondie qui a révélé que certains ménages bénéficiaires vendaient une partie de leur ration alimentaire pour couvrir d’autres besoins fondamentaux», a dit M. Lenarčič à l’adresse de l’eurodéputé belge qui n’est autre que le vice-président de la Commission des Budgets au Parlement européen et surtout membre de la très redoutable Commission du Contrôle budgétaire de la même assemblée.
En avril 2020, ajoute le Commissaire européen, «le PAM, à titre de mesure d’atténuation, a changé le conditionnement du produit pour passer de sacs de 2 kg à 150 kg afin d’empêcher la revente».
Les réponses de M. Lenarčič, qui ne manqueront certainement pas de susciter d’autres réactions au niveau des instances européennes car il s’agit de détournements récents avérés qui datent de moins d’un an et qui engagent les deniers publics européens, appellent plusieurs remarques :
D’abord, l’existence d’un rapport récent du PAM sur la poursuite de ces détournements que l’organisme onusien n’a pas daigné rendre public.
Ensuite, la révélation d’«une mesure d’atténuation» prise par le PAM suite à son enquête, laquelle signifie que l’ampleur de ce trafic est bien plus étendue que ce qui a été annoncé, car il est impensable et même illogique de changer un rationnement pour quelques kilos de farine détournés, mais plutôt pour des quantités bien plus importantes. On se demande dès lors pour quelle raison le PAM n’a-t-il pas publié les résultats de son enquête ? Et pour quelle raison l’UE, qui dispose de structures solides de traçabilité financière et d’organes de lutte antifraude en l’occurrence l’OLAF, n’a-t-elle pas diligenté sa propre enquête pour reconstituer le circuit de ses aides ?
Enfin, connaissant le climat général qui règne dans les camps de Tindouf, où le moindre mouvement n’échappe pas au collimateur des gardes polisariens, l’on se demande comment les ménages bénéficiaires peuvent-ils se déplacer jusqu’en Mauritanie pour revendre leurs rations alimentaires ?
La seconde partie de la question de l’eurodéputé concernait la taxe de 5 % qu’impose l’Algérie sur le montant de l’aide humanitaire.
Là encore l’euphémisme utilisé par le Commissaire européen n’absout pas l’Algérie de ses responsabilités.
«De telles taxes seraient inacceptables et, si cela était confirmé, déclencheraient une réaction immédiate de la Commission vis-à-vis des autorités responsables», a-t-il avertit.
Si la question des détournements de l’aide humanitaire par le polisario et l’Algérie est revenue sur le devant de la scène ces derniers temps grâce à une prise de conscience de plus en plus importante de la part des eurodéputés, les révélations toutes récentes de la Commission européenne viennent compléter une partie des pièces manquantes du puzzle.
Le travail ne fait que commencer car pour l’Europe et la Communauté internationale des zones d’ombre devront être éclaircies. Mais une chose est sûre, pour le polisario et l’Algérie ça ne sera plus business as usual !