Dans une chronique parue le 1er septembre sur INFODEFENSA, sous le titre « Maroc: notre allié du sud », Enrique Navarro, l’un des géostratèges espagnols les plus respectés, explique les dessous du sursaut remarquable que connaît le Royaume du Maroc sur le plan militaire. « Le Maroc a été au cours des quarante dernières années l’un des meilleurs alliés de l’Espagne et notre ami le plus important de l’autre côté du Détroit, ce qui n’est pas du tout facile compte tenu de la proximité géographique et des différends en cours. Mais la vérité est que le Maroc, contrairement à l’Espagne, a pris conscience de son positionnement stratégique dans la dynamique actuelle et a opté pour une politique basée sur la suprématie militaire régionale », a d’emblée indiqué, l’expert espagnol.
Acteur majeur du pourtour méditerranéen, doté de deux façades maritimes (Méditerranée et Atlantique)… leader économique et politique en Afrique… le Maroc a tôt pris conscience de la nécessité d’asseoir un leadership militaire incontesté pour préserver ses intérêts dans une région devenue le centre des nouveaux enjeux stratégiques internationaux (conflit d’intérêts en Libye, daechisation de la région sahélo-saharienne, visées expansionnistes algériennes, etc).
Faisant sienne cette formule consacrée: « pour avoir la paix, il faut préparer la guerre », le Maroc, sous la conduite éclairée du Roi Mohammed VI, Chef suprême et chef d’État-Major des Forces armées royales (FAR), a déployé des efforts herculéens pour inverser les rapports de forces en sa faveur.
« Le Maroc, avec l’Egypte, pourrait avoir la plus grande armée d’Afrique », indique Enrique Navarro. « La paralysie du régime algérien contraste avec l’action étrangère du Maroc, de sorte qu’en seulement deux ans le Maroc aura atteint la suprématie militaire au Maghreb », souligne encore le spécialiste espagnol. « C’est un facteur que l’Espagne ne peut pas perdre de vue et exige un renforcement de nos capacités », exhorte-t-il.
Une suprématie militaire que le Maroc entend installer dans la durée, via la mise en place d’un embryon d’industrie militaire destinée à réduire à terme le coût élevé des achats d’armements, à approvisionner les FAR en armes Made in Morocco, voire les armées de pays alliés. Bref, un nouveau filon à fort potentiel pour l’économie nationale.
Une nouvelle orientation que la plus haute autorité du Royaume a donnée lors du dernier conseil des ministres, scellée par l’adoption au Parlement de plusieurs projets de lois et de décrets relatifs à ce nouveau chantier à forte valeur ajoutée. « Le Maroc a signé les premiers accords » pour se doter désormais d’une industrie de défense, via la conclusion de joint-ventrues avec de grands industriels d’armements étrangers, a souligné le spécialiste espagnol.
Concernant l’achat d’armement, « le Maroc a opté intelligemment pour une politique de diversification des sources d’approvisionnement », a souligné M. Navarro, indiquant que « l’allié militaire stratégique du Maroc est les États-Unis et, dans une moindre mesure, la France ».
Le Maroc, principal client de l’armement américain, devant l’Arabie saoudite
« Le Maroc est devenu le principal client d’armes des États-Unis en 2019, devant l’Arabie saoudite », constate M. Navarro, chiffrant à 10,3 milliards de dollars le montant des commandes passées auprès des États-Unis, pour l’acquisition de 25 avions F-16 Block-72 de nouvelle génération; la modernisation de 23 F-16 existants pour près de 4.000 millions de dollars; l’acquisition (à l’horizon 2025:Ndlr) de 36 hélicoptères Apache AH-64-E pour 4000 millions de dollars supplémentaires « .
Côté France, faut-il rappeler que le Maroc a acquis dernièrement des systèmes d’artillerie automoteurs de 155 mm, Cesar, pour 200 millions de dollars, sans compter les missiles air-sol UL-Mica.
De quoi renforcer davantage la puissance de feu de l’armée de terre marocaine, déjà forte des 250 chars Abrams de dernière génération acquis dernièrement auprès des États-Unis.
Le renseignement militaire, point nodal de toute stratégie militaire, a connu également une grande avancée après l’acquisition de deux satellites espions marocains auprès de la France, Mohammed VI-A et Mohammed VI-B.
Le spécialiste espagnol n’exclut pas l’acquisition, côté naval, l’acquisition par le Maroc de sous-marins et davantage de corvettes pour renforcer le contrôle de ses deux façades maritimes.
En somme, un saut inédit en termes de quantité et surtout de qualité pour asseoir le leadership militaire du Maroc à l’échelle de toute la région.