
Par: Mohamed KHOUKHCHANI

Introduction : Le temps du discernement
À l’orée de 2026, le Maroc se trouve à un moment charnière de son histoire contemporaine. L’heure n’est plus seulement à l’accumulation de projets ou à l’annonce de réformes, mais à l’évaluation lucide d’un cycle entamé au début des années 2000. Vingt-cinq ans d’investissements, de choix géopolitiques assumés et de réformes sociales parfois coûteuses dessinent aujourd’hui un pays en transition avancée vers l’émergence.
I. Bilan rétrospectif, années 2000–2025 : la construction patiente d’un État stratège
1. Bilan politique et diplomatique : la constance comme levier de puissance
Depuis deux décennies, le Maroc a fait le pari de la stabilité institutionnelle et de la diplomatie proactive.
L’année 2025 marque l’aboutissement de cette trajectoire sur le dossier du Sahara marocain : le passage d’un soutien diplomatique formel à des partenariats économiques concrets dans les provinces du Sud. Le Royaume s’affirme désormais comme hub atlantique africain, pivot entre l’Europe, le Sahel et l’Afrique de l’Ouest.
Cette diplomatie pragmatique, combinant sécurité, religion du juste milieu et coopération économique, distingue le Maroc de nombre de ses pairs régionaux.
2. Bilan économique et infrastructurel : du retard à la compétitivité
Le Maroc de 2025 n’est plus une économie de rattrapage, mais une économie de positionnement :
● Réseau autoroutier multiplié par plus de quatre en vingt ans.
● Tanger Med devenu premier port de Méditerranée.
● Industrialisation accélérée : automobile, aéronautique, câblage, offshoring.
● Montée en puissance des énergies renouvelables avec un cap clair vers 2030.
Cette mutation structurelle a permis au Royaume de s’insérer dans les chaînes de valeur européennes tout en réduisant sa vulnérabilité énergétique.
3. Bilan social : l’État social en gestation
L’année 2025 restera celle de la mise à l’épreuve de l’État social :
● Généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire.
● Aides sociales directes.
● Réforme progressive de la protection sociale.
Si l’inflation et la précarité ont mis en lumière les fragilités du tissu social, la direction prise est historique : le Maroc assume désormais un rôle redistributif plus affirmé, condition indispensable à la stabilité à long terme.
4. Bilan sportif et symbolique : le soft power par l’excellence
La CAN 2025 et la préparation du Mondial 2030 ont dépassé le cadre sportif. Elles ont servi de catalyseur à une modernisation accélérée des infrastructures et à la consolidation de l’image du Maroc comme pays organisateur fiable, moderne et ouvert.
II. Perspectives à court terme (2026–2027) : gérer les tensions de la transition
1. Priorité absolue : l’eau et le climat.
Le stress hydrique constitue le défi le plus immédiat.
Les autoroutes de l’eau, le dessalement et la gestion intelligente des bassins (Sebou, Oum Er-Rbia conditionneront la stabilité agricole et sociale du pays.
2. Croissance et emploi
Une croissance supérieure à 4–4,5 % est impérative pour absorber :
● le chômage des jeunes diplômés,
● les coûts de la protection sociale,
● la montée des attentes des classes moyennes.
III. Perspectives à moyen terme (horizon 2030) : le Maroc plateforme
À l’horizon du Mondial 2030, le Maroc vise :
● Une plateforme industrielle et logistique majeure en Afrique du Nord,
● Une connectivité renforcée (TGV, ports, hubs aériens),
● Un tourisme à plus forte valeur ajoutée (culturel, sportif, durable).
Les régions comme Fès–Meknès joueront un rôle clé dans cette phase, notamment dans la souveraineté alimentaire, sanitaire et culturelle.
IV. Perspectives à long terme (2035) : l’épreuve de l’émergence réelle
Le Nouveau Modèle de Développement fixe une ambition claire :
● Doubler le PIB par habitant,
● Réduire les disparités territoriales,
● Faire du Maroc un acteur crédible de l’hydrogène vert et de l’économie décarbonée.
À ce stade, le défi ne sera plus infrastructurel, mais humain, éducatif et institutionnel : qualité de l’école, efficacité de l’administration, confiance citoyenne.
Conclusion : Le pays du retour
Le Maroc de 2026 ressemble à ce voyageur qui rentre à Fès ou à Meknès après une longue absence : il reconnaît ses racines, mais découvre un pays transformé, parfois déroutant, souvent prometteur.
La véritable réussite ne se mesurera ni au nombre de stades ni aux kilomètres d’autoroutes, mais à la capacité du Royaume à faire de cette croissance un ascenseur social durable.
Car, comme le rappelle l’expérience marocaine elle-même, on ne va loin que lorsque l’on sait d’où l’on vient.





