
Par: Mohamed KHOUKHCHANI

Entre neutralité diplomatique et intérêts stratégiques
L’abstention de la Russie lors du vote de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, relative au renouvellement du mandat de la MINURSO et à la reconnaissance du plan d’autonomie marocain de 2007 comme base sérieuse de négociation, révèle la nature équilibrée et prudente de la diplomatie russe vis-à-vis du dossier du Sahara.
Moscou n’a pas voté pour, mais elle n’a pas non plus utilisé son droit de veto, signe d’une volonté de ne pas s’opposer ouvertement au Maroc tout en préservant ses relations avec l’Algérie, dans un contexte géopolitique mondial tendu.
Une neutralité calculée
La position russe repose sur une logique de réalisme et de prudence. Consciente du rôle stratégique du Maroc comme pôle de stabilité au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, la Russie cherche à ménager les deux partenaires nord-africains.
1. Équilibre régional : Moscou maintient une posture d’équilibre entre son allié historique, l’Algérie, et le Maroc, acteur clé du continent africain.
2. Reconnaissance implicite du sérieux du plan marocain : Les diplomates russes parlent d’une « initiative crédible » susceptible de servir de base à un règlement politique.
3. Volonté d’éviter la confrontation : L’abstention, plutôt qu’un veto, permet à la Russie de préserver ses marges diplomatiques.
Le poids des intérêts économiques
Les relations économiques entre les deux pays se sont fortement développées depuis la dernière décennie :
● le commerce bilatéral dépasse 2 milliards de dollars par an ;
● le Maroc exporte vers la Russie fruits, légumes et produits de la mer ;
● la Russie fournit au Maroc énergie, céréales et engrais ;
● et un partenariat a été conclu en 2016 dans le domaine du nucléaire civil.
Ces intérêts mutuels incitent Moscou à ne pas politiser ses relations économiques et à éviter tout acte pouvant fragiliser cette coopération.
Perspective historique : de la compréhension à la coopération
Les premiers contacts diplomatiques entre les deux nations remontent au XVIIIᵉ siècle. Mais c’est surtout après l’indépendance du Maroc en 1956 que les liens se sont consolidés : l’Union soviétique fut parmi les premiers États à reconnaître le Maroc et à établir des relations officielles.
À l’époque, Moscou exprimait une compréhension du principe d’unité territoriale marocaine, critiquant le découpage colonial français de la région.
Sans affirmer ouvertement la « marocanité » des territoires mauritaniens, les Soviétiques défendaient une approche anti-coloniale et unitaire pour le Maghreb.
Le tournant décisif intervint en 2002, avec la signature du Traité d’amitié et de coopération lors de la visite du roi Mohammed VI à Moscou, suivie d’une seconde visite en 2016, scellant une alliance stratégique durable.
Une position pragmatique et constante
Le comportement de la Russie dans le dossier du Sahara illustre une ligne de conduite fondée sur :
● le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États,
● la recherche d’un règlement politique négocié,
● et la préservation d’un dialogue ouvert avec toutes les parties.
En choisissant l’abstention, la Russie n’a pas contesté la position du Maroc mais a préféré maintenir une neutralité constructive, consciente que le plan d’autonomie marocain constitue aujourd’hui la seule base réaliste pour une solution durable et équilibrée du conflit.





