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Sahara marocain: Pourquoi l’Italie fait fausse route

Par: Marco BARATTO

Par: Marco BARATTO ★

La neuvième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD-9), qui se tient à Yokohama, a démarré sur une clarification nette : le Japon ne reconnaît ni le « polisario », ni la prétendue «République arabe sahraouie démocratique» (RASD). Dès l’ouverture des travaux préparatoires, le ministre japonais des Affaires étrangères, Takeshi Iwaya, a pris soin de rappeler que « la présence d’une entité que le Japon ne reconnaît pas comme État n’influence en rien notre position ». Une déclaration nécessaire, puisque le Polisario a pu s’infiltrer à la faveur de l’invitation automatique lancée par l’Union africaine à tous ses membres, y compris la soi-disant « RASD ».

Le ministre japonais des Affaires étrangères, Takeshi Iwaya, a ensuite confirmé devant ses homologues africains que « rien n’a changé » : Tokyo ne reconnaît pas le « polisario » et n’entend pas transformer la TICAD en terrain de batailles politiques.

Soutien croissant à la position marocaine

Ce rappel intervient dans un contexte où la position du Maroc sur le Sahara bénéficie d’appuis de plus en plus solides. Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont publiquement soutenu la souveraineté marocaine et l’initiative d’autonomie de 2007. Plusieurs pays africains et arabes ont franchi une étape symbolique en ouvrant des consulats à Laâyoune et Dakhla. Dans ce paysage diplomatique, le Japon, puissance mondiale et partenaire respecté, choisit la clarté : pas de reconnaissance du « polisario », respect strict du droit international, dialogue seulement avec les États membres de l’ONU.

Une leçon de cohérence diplomatique

Dans ce même sommet, un autre invité s’est fait remarquer : l’Italie. Rome a été conviée à présenter son Plan Mattei pour l’Afrique, un privilège rare puisque la TICAD reste habituellement un forum réservé aux échanges entre le Japon et les pays africains. L’ambassadeur d’Italie à Tokyo, Gianluigi Benedetti, et l’envoyé spécial du ministère des Affaires étrangères, Massimo Riccardo, ont défendu une approche de « partenariat équitable » avec l’Afrique, appuyée par des financements de la Caisse des Dépôts et par la coopération du PNUD. Une vitrine diplomatique importante, qui confirme l’intérêt du Japon pour renforcer son partenariat stratégique bilatéral avec l’Italie. Mais où est le Maroc ?

Derrière cette vitrine séduisante, une omission saute pourtant aux yeux : le Maroc est absent de la cartographie du Plan Mattei. L’Italie semble privilégier l’Algérie, la Libye, la Tunisie, l’Égypte ou encore le Mozambique. Mais Rabat ? Quasiment invisible. C’est une erreur stratégique majeure. Car le Maroc est aujourd’hui l’un des acteurs incontournables du continent africain. Premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest, hub logistique grâce au port Tanger Med, pionnier des énergies renouvelables, partenaire stable des États-Unis et de l’Union européenne… Rabat est un pilier régional. Ignorer ce rôle revient à réduire à néant la crédibilité d’un plan censé représenter la vision globale de l’Italie pour l’Afrique.

Une complaisance inquiétante envers Alger

Pourquoi ce silence sur Rabat ? Parce que Rome a fait le choix de miser presque exclusivement sur l’Algérie, devenue ces dernières années son principal fournisseur de gaz. Cette dépendance énergétique a visiblement orienté la diplomatie italienne vers une complaisance croissante à l’égard d’Alger, au point de sacrifier la relation avec le Maroc. Le problème est que ce calcul à courte vue fragilise l’ensemble du Plan Mattei. Construire une politique africaine en s’alignant de fait sur les positions algériennes dans le dossier du Sahara revient à prendre parti dans un conflit où la communauté internationale, à commencer par le Japon, s’attache à rester équilibrée.

Une stratégie déséquilibrée et peu crédible

L’Italie ne peut pas prétendre vouloir incarner une approche « inclusive » de l’Afrique en tournant le dos à Rabat. Comment parler de coopération équilibrée si l’on écarte l’un des rares pays du continent qui conjugue stabilité politique, croissance soutenue et vision stratégique claire ? De plus, ignorer le Maroc, c’est aussi se priver d’un partenaire clé pour les transitions énergétiques et les corridors logistiques qui relieront l’Afrique à l’Europe. Le gigantesque projet de gazoduc Maroc-Nigeria, par exemple, intéresse déjà l’Union européenne et pourrait devenir une infrastructure vitale pour la sécurité énergétique européenne. Mais à Rome, silence radio.

Leçon japonaise, avertissement pour l’Italie

La TICAD-9 met donc en lumière deux façons d’agir. Le Japon, en rappelant fermement sa non-reconnaissance du « polisario », défend une ligne claire, cohérente et respectueuse du droit international. L’Italie, en revanche, présente un plan ambitieux mais incomplet, déséquilibré et fragilisé par son obsession algérienne. Rome devrait comprendre que la crédibilité de son Plan Mattei se mesurera non pas au nombre de milliards promis, mais à sa capacité à bâtir des partenariats solides et équilibrés. Et sans le Maroc, ce plan restera une coquille vide.

Rome se trompe d’Afrique

Le « Plan Mattei » ne peut réussir s’il exclut Rabat. L’Italie prend le risque de réduire son initiative à un simple outil de politique énergétique dicté par les aléas de l’approvisionnement en gaz. En oubliant le Maroc, elle tourne le dos à l’un des rares partenaires africains capables d’apporter stabilité, ouverture vers l’Ouest et crédibilité internationale. Alors que Tokyo donne l’exemple de la cohérence, Rome devrait s’interroger : veut-elle vraiment jouer un rôle de premier plan en Afrique, ou se contenter d’un alignement complaisant sur Alger ?

★Marco Baratto, politologue italien, auteur du livre « Le défi de l’Islam en Italie »

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