Black Live Matters, mouvement contestataire qui a officiellement pour vocation de défendre les valeurs de dignité humaine, a été créé en 2013 avec ces dernières semaines un écho de plus en plus large au niveau international suite à la mort tragique de George Floyd.
Avec l’extension dudit mouvement, nous avons assisté à une nouvelle forme de contestation populaire, cristallisée dans le fait de déboulonner des statues de personnages dont l’histoire est associée à celles de l’esclavage ou la colonisation.
Soit. C’est un message de citoyens du monde que les autorités gagneraient à écouter et tenter d’apporter une réponse appropriée ; mais c’est surtout révélateur de notre rapport à notre histoire.
Celle-ci désigne à la fois le récit et les événements passés en cherchant simplement à connaître notre passé, à contrario de la mémoire qui implique un rapport subjectif à ce dernier. Notons qu’en général la mémoire est souvent le résultat de choix politiques et parfois d’instrumentalisation.
La glorification d’un passé glorieux, afin d’attiser les braises d’une appartenance commune est souvent un cas d’école en la matière ; et les statues qui jalonnent les rues européennes et nord américaines -entre autres- en sont un exemple éloquent.
Dans les pays dits démocratiques, les réponses apportées à ce mouvement de déboulonnage sont pour le moment intransigeantes, avec un Emmanuel Macron qui annonce par exemple que la République ne déboulonnera pas de statues.
Certes, mais il est à noter qu’en général cela rentre dans les prérogatives des élus locaux ; que ce soit aux Etats-Unis ou en France, et une réponse au niveau national est donc forcément problématique ; quoique de réponses s’il doit en avoir elles seront forcément politiques.
Bien évidemment, les valeurs d’hier sont différentes de celles d’aujourd’hui, et une connaissance objective (autant que faire se peut) de l’histoire nous aide à reconstruire continuellement notre mémoire, qui est le fruit de nos choix présents.
Déboulonner la statue d’un personnage dont le statut passé est glorifié, à tort ou à raison par ailleurs, est une forme de refuser et réfuter une histoire officielle avec pour toile de fond une méfiance vis-à-vis de l’Etat.
Loin de nous l’idée de souscrire à la définition de la nature « d’exploitant » de l’Etat selon l’économiste Mancur Olson, mais il est vrai que les sociétés sont toujours le fruit d’un équilibre de pouvoirs entre gouvernants et gouvernés ; dont la balance penche au gré des époques.
Dans les constructions des sociétés d’aujourd’hui et surtout de demain, la raison devrait primer et à l’instar des acquis sociaux que les peuples au gré de leur « histoire » acquièrent, un travail sur leur « mémoire » collective devrait être engagé dans la même optique.
Une construction dans la déconstruction perpétuelle des mythes qui forcément jalonnent parfois les époques et tous les pays gagneraient à entamer l’exercice d’un réel effort dans la durée de vulgarisation et d’éducation; puisque l’histoire humaine est ce qu’elle est, ni bonne ni mauvaise mais plutôt source d’enseignements pour notre avenir.