Déserts de Faouzi Bensaïdi: une exploration audacieuse des étendues désertiques et des zones d’ombre humaines

Par: Salaheddine Lalouani*

Avec Déserts, Faouzi Bensaïdi nous livre un film audacieux et captivant qui nous emmène au cœur du désert marocain. Dès les premières scènes, l’atmosphère envoûtante nous enveloppe, et le mélange de suspense, d’humour cynique et d’absurdité, marque immédiatement l’empreinte singulière de Bensaïdi. Ce film parvient à explorer des thèmes profonds à travers un récit à la fois ludique et contemplatif, faisant du désert un véritable personnage central.

Intrigue et voyage à travers le Maroc des marges

Le film raconte le parcours de deux agents de recouvrement, Mehdi et Hamid (joué par Fahd Benchemsi et Abdelhadi Talbi) chargés de collecter des dettes dans des villages reculés. Leur périple à travers des lieux isolés et arides devient le reflet de l’absurdité et des contradictions sociales qu’ils rencontrent en chemin. Chaque arrêt dans un nouveau village est une immersion dans un Maroc inattendu, où la routine bureaucratique et le décalage des situations ajoutent une dimension amusante et sarcastique à l’histoire.

 

 

La première partie du film, empreinte d’un humour subtil et d’une critique sociale intelligente, capte l’attention par son regard ironique sur la vie quotidienne. Le personnage de Mehdi, porté par le talent de Benchemsi, offre une performance pleine de nuances. Même Faouzi Bensaïdi, dans un petit rôle d’épicier, apporte une intensité et une authenticité qui illuminent une scène particulièrement marquante.

Un tournant vers le mystère et l’introspection

La rencontre avec un fugitif marque un changement de ton. Ce personnage mystérieux, qu’ils embarquent en voiture sur un chemin brumeux, semble introduire une atmosphère presque mystique. Le paysage devient de plus en plus symbolique, et l’histoire prend une tournure introspective, plongeant les personnages et le spectateur dans un espace hors du temps. Dans ce décor de brume, chaque spectateur peut interpréter librement les événements, y voyant, peut-être, une réflexion sur la mort ou le passage vers un autre monde.

Cette approche permet à chacun de trouver un sens personnel à ce voyage introspectif. Plutôt que de livrer une explication précise, Bensaïdi nous laisse face à une série de scènes ouvertes à de multiples interprétations, invitant à une réflexion sur les émotions et les choix de chacun.

Une esthétique puissante et une audace artistique

La mise en scène et la photographie de Bensaïdi atteignent ici un niveau impressionnant. Chaque plan du désert, baigné de lumière ou enveloppé de mystère, sublime l’esthétique du film et renforce l’effet contemplatif. La direction artistique est minutieuse, et le jeu d’acteur intense, contribuant à faire du film une expérience sensorielle riche et unique.

Si l’approche peut paraître complexe ou peu accessible pour certains, en particulier dans la seconde partie du film où l’histoire devient plus abstraite, cela n’enlève rien à la profondeur visuelle et poétique de l’œuvre. Ce mystère assumé peut même désorienter certains, car les personnages semblent peu à peu s’effacer au profit des paysages et des symboles. Pourtant, cela fait partie de la force du film, qui, loin d’être conventionnel, ose déstabiliser.

Bensaïdi mérite d’ailleurs d’être salué pour cette audace. Contrairement à d’autres réalisateurs, il refuse de s’installer dans une routine ou de se conformer aux attentes. Avec Deserts, il prend des risques en explorant des territoires nouveaux et des thèmes qui s’écartent des sentiers battus du cinéma marocain. Ce choix d’expérimenter et de sortir des conventions apporte un souffle inédit et innovant, qui positionne Deserts comme une œuvre singulière.

En conclusion, Deserts est un voyage cinématographique unique qui magnifie les paysages marocains tout en traitant des thèmes profonds, presque universels. Si l’approche narrative peut être perçue comme exigeante, elle pousse également à la réflexion et invite à explorer nos propres zones d’ombre. Le film marque ainsi une étape dans le cinéma marocain par sa force visuelle et sa volonté d’aller au-delà des conventions.

*Critique d’art