LES ÉMIRATS ARABES UNIS: DES AMBITIONS À l’ÉPREUVE DU RÉEL

S/t Une campagne insidieuse et stérile contre le Maroc

Les faits sont avérés. Il y a eu une campagne massive menée contre le gouvernement marocain  par des «milieux pro émiratis» sur Facebook et Tweeter. La campagne est tellement extravagante que l’opinion publique marocaine l’a traitée par la dérision. Parler  de «famine» (!) au Maroc ou dire que  le gouvernement «ne fait pas assez pour protéger les Marocains contre la pandémie» (!)… signifie que les commanditaires de l’intox  sont en totale panne d’inspiration. Il ne leur reste que des fabulations et le mensonge.

Cette campagne fait suite à une  bourde « diplomatique » qui a provoqué l’agacement du Maroc et suscité sa ferme réaction.

S/t. Un plan  «malavisé» 

Plusieurs média internationaux se sont fait écho que les EAU auraient concocté un « plan » pour  rapatrier leurs ressortissants encore confinés dans notre pays… Ils voulaient en sus « évacuer »  sur le même vol des touristes israéliens restés aussi Maroc… Le tout sans consultation, ni coordination avec les autorités marocaines. Nombreux sont de souche marocaine et sont confinés dans des hôtels à Marrakech ou chez des familles de nos compatriotes juifs.

Au-delà même du volet diplomatique… rien que  la lucidité et le bons sens réprouvent ce type d’agissements. Comme si les Émiratis avaient voulu se confectionner un hypothétique « beau rôle » dans cette affaire !

Bien évidemment, les autorités marocaines dégageront une solution pour  toutes ces personnes. Mais, entretemps,  une nouvelle leçon a été signifiée à ceux qui s’aventurent à faire de  « fausses analyses » sur notre pays. Le Royaume ne transige jamais sur sa Souveraineté et la maîtrise de ses choix et décisions.

Mais, au-delà de cet épisode… il reste une grosse question qui mérite une réflexion: le rôle des EAU impliqués ou même embourbés dans nombreux foyers de tension dans le monde.

S/t. Un pays jeune qui se construit

Les EAU comptent 9 millions d’habitants dont 400 000 nationaux. Le pays était sous protectorat de la Grande Bretagne jusqu’ à son indépendance en 1971. Il est composé de 7 émirats:  Abou Dabi, Ajman, Charjah,  Dubaï,  Fujaïrah, Ras el Khaïmah et Oumm al Qaïwaïn.

Avant que le pétrole ne soit découvert en 1930, une multitude  d’émirats – sur la côte de la péninsule arabique – vivaient de la « pêche de la perle  » et dans une moindre mesure de la culture des dattes et de l’élevage des dromadaires.

Le commerce des  « perles »  s’est effondré  lorsque les Japonais se sont mis aux « perles d’élevage » pour en faire une industrie. Ces émirats ont en subi de graves difficultés économiques.

Lors des années 70 du siècle dernier, après la nationalisation des ressources pétrolières, la hausse du revenu du pétrole a permis un réel développement économique…

Cheikh Zayed Ben Sultan, grand homme d’État sage, pragmatique  et très proche de Feu Hassan II, fut le fédérateur, fondateur, et  premier président des EAU. Il a joué un rôle de paix et facilitateur de dialogue entre tous les pays arabes.

A son décès en 2004 lui a succédé, à la présidence des EAU, son fils Khalifa Ben Zayed Al Nahyane. Il fut victime d’un AVC en 2014 dont il est sorti diminué. Cela a ouvert le champ à son frère cadet, le prince héritier Mohammed Ben Zayed (MBZ) pour gérer les affaires des EAU.

S/t. De la « prospérité économique rapide »  à la « volonté de puissance »

L’augmentation «vertigineuse»  des ressources financière et des réalisations spectaculaires urbanistiques, architecturales, immobilières, d’infrastructure et touristiques  (y compris des îles artificielles et aussi des pistes de ski en plein désert !!) ont  amené certains pays du golfe à vouloir accompagner la puissance financière  d’une « influence politique internationale ».

Cette ambition s’est manifestée plus chez le Qatar, l’Arabie Saoudite et les Émirats.

Par contre, le Koweït,  le Bahreïn et Oman  ont opté pour  la coopération économique internationale discrète. Coïncidence, ces derniers pays ont aussi choisi  la voie
la « monarchie constitutionnelle ». Le Bahreïn,  le Koweït  et Oman organisent régulièrement des  consultations électorales, même si elles ne sont pas conformes aux critères connus.

Mais au Qatar, aux Émirats et en Arabie Saoudite, des formules pour une représentativité des courants et sensibilités ne sont pas encore effectives.

S/t Volonté de puissance et «soft power»

Il y a une règle indépassable dans les relations internationales. Au-delà de l’outil militaire ou des ressources financières… toute aspiration pour le «leadership», ou la  «volonté de puissance» doit  – pour être bien assise, reconnue et acceptée –  s’appuyer sur des vecteurs du «soft power» : image, prestige, attractivité de la culture, mode de vie, rayonnement des idées, qualité de la vie, solidarité, diffusion et partage  d’un savoir-faire, etc.

Si le pays est doté de moyens financiers importants… il reste néanmoins dépourvu des vecteurs du «soft power»… il ne peut fonder son  rayonnement international que sur les voies classiques de la coopération économique apaisée, tranquille et sereine. Pas plus !

C’est pour cela, que cette «volonté de puissance exacerbée» chez les EAU n’est pas bien comprise par de nombreux observateurs. Même si elle veut s’appuyer sur un arsenal de guerre disproportionné, les EAU étant le 4è importateur d’armement dans le monde !

Les EAU sont impliquées dans de nombreux foyers de tension  en Libye, au Yémen, en Égypte, en Syrie, en Afghanistan, en Somalie… Ils veulent aussi construire une grande base militaire au Sahel. Une projection de puissance militaire inouïe.

Le problème est qu’il y a cette «confusion»  de faire le travail, par procuration,  pour les véritables puissances (qui ont d’authentiques et réels intérêts à défendre) et dont les objectifs ne coïncident pas toujours avec ceux des EAU.

Les EAU sont un pays prometteur, doté d’un grand potentiel et qui a réussi un remarquable essor économique. Mais  a-t-il assez de  «recul» pour gérer «la complexité» du Moyen Orient ou pour  le « remodeler », puisque c’est aussi son ambition ?

S/t . Ingérences et doctrine anti Frères musulmans

Depuis  2011, les Émirats ont considéré les Frères musulmans comme une menace pour  la stabilité de l’Etat. Ils ont décidé de les contrer aussi bien au sein de leur pays qu’à l’étranger. Une idée qui forcément plaît à l’Occident !

Cette doctrine pour «défrériser» le monde serait également, pour de nombreux observateurs, avant tout un prétexte pour «endiguer» le Qatar Emirat rival. Par ses réalisations financières et économiques, il «gênerait»  la «volonté de puissance» des EAU. Tout simplement une question d’influence et de prestige économique contrariée!

Le paradoxe est que les Frères musulmans au Qatar n’ont absolument pas ce poids que les EAU leur prêtent. Tout en justifiant  de nombreuses ingérences un peu partout, cette approche a fait aussi de la Turquie leur ennemi.

Si l’Idée de contrer l’Iran au Yémen a paru au début compréhensible pour effectivement se protéger contre l’expansionnisme chiite iranien… la manière dont a été géré le conflit a été incohérente. Dans le bourbier du Yémen, en plus des dégâts collatéraux, les EAU se sont appuyés sur des djihadistes et salafistes pour combattre les Frères musulmans yéménites.

C’est la même démarche en Libye où ils appuient le maréchal Khalifa Haftar et aussi des milices salafistes  contre le gouvernement de Fayez el-Sarraj. Auparavant, ils ont soutenu de tout leur poids le général Sissi pour «défrériser» l’Egypte. C’est aussi la même attitude anti Frères musulmans qui a crispé leurs relations avec la Tunisie en 2011.

Bien souvent les conséquences ne sont pas conformes aux prévisions. Le blocus du Qatar a favorisé un élan de sympathie avec ce pays.  L’ingérence en Lybie a favorisé encore plus l’implantation de la Turquie et l’intervention au Yémen a consolidé la présence de l’Iran.

S/t Des relations tendues avec le Maroc

C’est cette même approche qui les a amenés à critiquer souvent,  par réseaux sociaux interposés, le parti qui conduit la majorité gouvernementale au Maroc.

Une ingérence incompréhensible pour notre pays, pourvu de plusieurs courants et sensibilités politiques, et qui a fait le choix du multipartisme depuis son Indépendance. Ce sont les électeurs marocains qui évaluent le bilan de l’action du gouvernement  lors des élections législatives et non pas une partie extérieure.

Au Maroc, la régulation par le dialogue et la concertation entre tous les acteurs politiques, sous l’égide des Instituions, a toujours permis de dégager des solutions et des compromis  conformes aux intérêts supérieurs du pays. Et cela, certains doivent le comprendre

Le fait aussi que le Maroc ait adopté une position de neutralité dans le conflit entre les EAU et le Qatar  n’aurait  pas été apprécié. Et pourtant, c’est une position conforme aux traditions et valeurs du Maroc en tant que pays de paix,  modérateur, tolérant et  facilitateur de dialogue.

Tous les observateurs qui sont au fait de la nature des relations fortes entre le Maroc et les Emirats Arabes Unis estiment que ces divergences seront surmontées. Ils pensent aussi que le monde d’aujourd’hui ne peut correctement fonctionner que sur la base du respect mutuel, du dialogue et de la concertation.