La médecine française est une des plus performantes. Elle est associée à des noms célèbres comme Ambroise Paré, Louis Pasteur, Xavier Bichat, René Laennec, Luc Montagnier…et tant d’autres…
Le système français de santé publique fournit des prestations qui dépassent en qualité celles fournies par des cliniques privées… un peu partout dans le monde. Tous en bénéficient sans discrimination…
Or cette pandémie a montré des aspects qui en ont donné une image déconcertante voire négative… Précisons que le séisme sanitaire a frappé toute la planète… que nous sommes parfaitement au fait des insuffisances en matière de santé chez les uns et les autres… mais l’objet ici est d’examiner ce qui se passe en France avec ses polémiques, ses débats spectacles et parfois ses déchirements… médiatisés internationalement.
De quoi s’agit-il?
D’abord une incroyable polémique, entre d’éminents chercheurs au sujet des travaux du professeur Didier Raoult, directeur de l’Institut Hospitalo-Universitaire à Marseille ( IHU) qui propose un traitement basé sur l’hydroxychloroquine.
Cette polémique, dit-on, aurait pu être gérée d’une manière plus sereine… si le gouvernement français avait déployé un meilleur rôle d’arbitrage! En tout cas, plusieurs pays ont déjà tranché et opté pour le traitement de Didier Raoult.
S/t La chloroquine entre confiance et méfiance. Un gros clivage franco-francais
Pour les autorités sanitaires françaises, la chloroquine n’est pas complètement écartée… mais elle est entourée de réserves. Son administration a été autorisée, mais uniquement à l’hôpital et « seulement pour les cas graves ». Un bémol que ne partage absolument pas Didier Raoult pour qui le malade doit être rapidement mis sous traitement.
La France participe aussi à l’ essai clinique Discovery lancé en Europe avec 3. 200 patients. Au moins 800 en France sont concernés avec priorité pour les « hospitalisés sévèrement atteints »… et dont plusieurs sont en réanimation !? On attend les résultats.
Le ministre de la Santé français, Olivier Véran, a confirmé avoir interdit l’exportation de la chloroquine pour anticiper tout besoin futur.
Il y a quelques jours, une pétition lancée par l’ex-ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy intitulée «#NePerdonsPlusDeTemps» (Change.org) défend l’idée d’assouplir la prescription de la chloroquine. Elle a dépassé 200.000 signatures.
Trois médecins éminents Fabien Calvo, Jean-Luc Harousseau, Dominique Maraninchi, dont les noms comptent dans la recherche médicale en France, ont apporté leur soutien à Didier Raoult. Ils demandent d’appliquer son traitement dès l’apparition des premiers symptômes… bien avant la survenue de complications respiratoires sévères.
S/t La chloroquine et…. le reste du monde
Indifférent à cette polémique qui a aussi des soubassements « para ou extra-scientifiques »… de nombreux pays ont assumé leur responsabilité et tranché.
D’abord, le Maroc est le premier pays du monde à généraliser l’utilisation de l’hydroxychloroquine en association avec l’azithromycine, sous le contrôle des médecins, pour les patients dès qu’ils sont testés positifs.
Le gouvernement marocain a réquisitionné l’intégralité du stock de Nivaquine (chloroquine ) et de Plaquenil (l’hydroxychloroquine) de la filiale marocaine du laboratoire Sanofi. Certains médiaS français « anti-Raoult » n’ont pas manqué de lancer des piques contre le Maroc qui, bien entendu, est entièrement souverain dans ses choix!
D’autres pays africains, le Sénégal, le Burkina Faso, le Cameroun, l’Afrique du Sud, Madagascar, la Tunisie, le Congo… ont eux aussi adopté le protocole de Didier Raoult.
Le groupe Bayer a fourni gratuitement à la Chine des centaines de milliers de comprimés de Resochin, un médicament à base de phosphate de chloroquine, en provenance du Pakistan.
Aux États-Unis, Donald Trump a publiquement exprimé son espoir dans cette molécule. La Food and Drug Administration (FDA), qui contrôle la commercialisation des médicaments, a autorisé la chloroquine et l’hydroxychloroquine, à l’hôpital.
La société Teva en Israël a annoncé la livraison aux Etats-Unis « gratuitement » de plus de 10 millions de doses de chloroquine.
S/t. La chloroquine entre….Paris et Marseille
Au-delà du débat scientifique… plusieurs observateurs ont également interprété ce clivage par des incompatibilités personnelles entre chercheurs. Bref des questions d’ego! L’équation est devenue complexe.
En plus de Didier Raoult, il y a un autre protagoniste majeur… Yves Lévy… un compatriote né à Casablanca… immunologiste et spécialiste du VIH… Il était président-directeur général de l’Inserm entre 2014 et 2018. (Institut national de la santé et de la recherche médicale)
Durant son mandat, Yves Lévy voulait supprimer le statut de Fondation accordé aux IHU…pour centraliser la recherche. Ce serait d’origine du différent.
Didier Raoult a refusé… défendant l’autonomie et la souplesse de fonctionnement des IHU… et soulignant que tout ne peut être dirigé de Paris… Bref la dichotomie habituelle « Paris – Province ».
En 2017, Agnès Buzyn, hématologue et ministre de la Santé (de mai 2017 à février 2020)… épouse de Yves Lévy, patron de l’Inserm… avait voulu valider cette proposition de suppression du statut de Fondation pour les IHU…
Elle fut désavouée par le gouvernement… en raison de suspicion de « conflits d’intérêt »… suite aussi aux critiques de Didier Raoult contre la ministre et son mari.
Le statut de Fondation a été finalement maintenu. Mais coup de théâtre! En 2018, l’IHU de Marseille a vu son « label Inserm » retiré. Il ne pouvait plus bénéficier d’une dotation budgétaire de l’Institut… suite aux « conclusions » d’une commission scientifique!
En 2018, le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) retire lui aussi son « label » à l’IHU de Didier Raoult. Coïncidence !?
Yves Levy qui voulait être candidat à sa propre succession à la tête de l’Inserm en 2018 a fini par jeter l’éponge… et quitter l’Institut.
Il fut remplacé par Gilles Bloch, spécialiste d’imagerie médicale, nommé président-directeur général depuis 2019. Il n’a pas faire preuve de grand enthousiasme pour les travaux de Didier Raoult.
S.t Un débat pollué par des conflits de personnes
Il est certain qu’il y a des rancœurs qui ont « pollué » le débat scientifique. Pendant que le virus fauchait des vies… ces révélations « mélodramatiques » ont suscité une grande consternation.
La sérénité semblait avoir disparu et toute critique contre Raoult devenait douteuse… même si elle pouvait être fondée ou exprimée de bonne foi. Tout est devenu ambigu.
Qui a raison qui a tort ? Paris ou Marseille? Or si l’affaire était définitivement et clairement pliée « en défaveur » des travaux de Raoult… il n’y aurait pas eu ce chahut.
Nous savons qu’en France, quand un « truc ou un autre » ne marche pas ou n’est pas viable… il se dégage une quasi unanimité médiatique et populaire. Mais là, ce n’est pas le cas ! La balance penche plutôt en faveur des « pro Raoult » et ses thèses gagnent du terrain.
S/t. Gestion approximative et dysfonctionnements
Au-delà de l’affaire chloroquine… la pandémie a révélé beaucoup de dysfonctionnements chez la 6e puissance économique mondiale et 2e puissance économique en Europe.
Le manque d’anticipation a été évident pour les lits d’hôpitaux, les respirateurs, les masques, les tests, les gels hydro alcooliques…
On est stupéfait d’entendre le président français parler…. » d’indépendance pleine et entière”… de la France d’ici à la fin de l’année pour la production de « masques’ !!
Et aussi de voir la France « victime » dans les aéroports chinois de détournement de masques. Les Américains rachètent à 3 fois leur prix les masques commandés par la France et redirigent les avions vers les USA !!!
Concernant les tests…alors que l’ Allemagne en est à près de 500.000 par semaine… la France vient juste de décider de passer à 20.000 tests par jour…
L’Allemagne qui dispose de 25.000 lits avec assistance respiratoire a surpassé son voisin. De nombreux patients de la région de Mulhouse (Alsace) ont été pris en charge par les hôpitaux allemands… ce qui est à l’honneur de la solidarité européenne.
Un autre fait a terni le climat. La condamnation par l’Organisation Mondiale de la Santé des « propos racistes » et de la « mentalité coloniale »… selon les mots du Directeur Général de l’OMS… d’un médecin français. Il veut faire de l’Afrique un terrain d’essai pour un vaccin potentiel contre le covid-19.
Ce dérapage a suscité un grand malaise au sein du milieu médical français… qui n’en pouvait plus de voir son image abîmée.
S/t La médecine française au coeur d’une crise plurielle et profonde
Bien avant la pandémie, la santé publique en France était mise à mal par une approche gouvernementale qui prônait la gestion des hôpitaux selon les normes de productivité et de rentabilité…
Une « approche comptable des dépenses ». Comme les entreprises, avec les mêmes résultats : plus de charge de travail pour un personnel réduit.
Désert médicaux… urgences débordés… numerus clausus et quota dans la formation des médecins… souci de rentabilité… restrictions budgétaires… La totale!!
Le malaise est partout et tous manifestent : les médecins, les aides-soignants, les infirmiers et les étudiants.
La pandémie oblige à redonner du sens à l’hôpital, à la santé publique. Le management de l’entreprise appliquée à l’hôpital public est une fausse bonne idée. Elle a fragilisé la santé publique en France ou ailleurs. Comment supporter l’idée de « marchandisation » de la santé? Le débat va reprendre en France… mais partout dans le monde.
Au-delà de la polémique sur la chloroquine,… des dysfonctionnements… de l' »approche comptable » de la santé publique… l’expérience française à travers son système de couverture médicale… et ses structures de recherches restent un modèle… mais qui semble menacé. La pandémie va ouvrir les yeux à ceux qui ont une calculatrice à la place du coeur.
La pandémie a aussi montré, comme le demande l’OMS, la nécessité d’envisager une « couverture sanitaire universelle »… au delà des nations… pour un monde plus sain et plus équitable.