Une loi est faite pour être appliquée surtout quand sa promulgation date de dix ans et son décret d’application remonte à 9 ans. La loi n°30-09 relative à l’éducation physique et aux sports déroge à cette règle juridique puisque le dahir 1-10-150 y afférent a été promulgué le 24 août 2010 et son décret d’application n°2-10-628 a été publié le 4 novembre 2011. Après une décennie, son application demeure très partielle par les clubs et les fédérations, voire aléatoire quand on sait qu’elle comporte plusieurs imperfections.
Ces textes révèlent même certaines incompatibilités entre article et article si ce n’est avec les dispositions de la Constitution, elle-même. Malgré la publication en 2016 des textes d’application relatifs aux statuts types des associations sportives, les clubs rechignent à se transformer en sociétés anonymes. Pourtant, ces clubs sont devenus professionnels dès la saison 2011/2012 et n’arrivent pas, jusqu’à ce jour, à réussir leur mise à niveau pour passer à cette étape.
Un manque de rigueur affligeant lorsqu’on sait que le dernier article (180) de la loi 30-09 stipule que: «Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à compter de la date de publication au bulletin officiel des textes réglementaires nécessaires pour leur pleine application».
Or cette loi a été publiée dans le bulletin officiel en novembre 2010 sans que ces plus importantes dispositions soient entrées en vigueur. La FRMF dirigée par Fouzi Lekjaa, un gestionnaire de haut niveau, directeur du budget au ministère de l’Economie et des finances par excellence, trouve du mal à faire la loi dans la jungle des amateurs. Il a beau lancer des ultimatums, depuis au moins trois ans, aux dirigeants des clubs pour qu’ils se mettent en conformité avec l’arsenal juridique mis en place. Un processus qui n’est pas aussi compliqué que l’on croit car si les dirigeants des clubs font de la résistance pour transformer leur association en SA c’est parce qu’ils savent qu’ils seront soumis à la loi-19-75 relatives aux sociétés anonymes (article 15 de la loi 30.09) qui les oblige à payer les impôts. Or tout le monde sait que depuis l’instauration du système professionnel, aucun club ne s’est acquitté de ses impôts (IS, IR et TVA).
Il est un peu étonnant que Lekjae, qui manie aussi bien les chiffres que la fiscalité, puisse être aussi conciliant face à ce refus, à peine voilé, des dirigeants de transformer leurs clubs en SA. La réalité du terrain amateur l’a poussé à justifier l’injustifiable: «Cette transformation ne peut pas être décrétée» tout en sachant que les tergiversations des dirigeants durent depuis dix ans. D’autant que l’article 17 de loi 30-09 est on ne peut clair sur ce sujet: «Toute association sportive qui répond à l’un au moins des critères prévus au premier alinéa de l’article 15 ci-dessus(NDLR obligation de créer une SA) et qui ne se conforme pas, dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle elle satisfait à cette condition, aux dispositions des articles 15 et 16 ci-dessus est exclue des compétitions et manifestations organisées par les fédérations sportives ». Il faut, par ailleurs, convenir que certains articles de la loi relative à l’éducation physique et aux sports brillent par des contradictions qui la rendent difficile à appliquer, si ce n’est non conforme à la démocratie et à la constitution.
L’exemple de l’article 23 est assez édifiant quand il stipule dans certains de ses alinéas que les statuts des fédérations doivent garantir le fonctionnement de la démocratie et la limitation du mandat du président à deux mandats successifs. L’alternance saute dès que l’article conditionne cette limitation à des dérogations : «la limitation du mandat du président dans deux mandats successifs à l’exception des cas suivants: lorsque son poste dans l’un des organes exécutifs d’une fédération ou d’une union internationale est lié à son poste dans la fédération concernée et lorsque sa présidence de la fédération concernée est liée à un intérêt national suprême ». Extrapolons un peu : si ce président est nommé dans un poste dans une organisation sportive mondiale juste avant la fin de son deuxième mandat, il pourra être reconduit plusieurs fois s’il ne quitte pas son poste à l’international. La deuxième dérogation est encore plus surprenante car on ne sait pas comment la présidence d’une fédération pourrait devenir un intérêt national suprême. Il faut préciser que l’article parle de « présidence » et non pas de « président » qui peut être remplacé par son adjoint s’il est appelé pour occuper un poste d’intérêt national. Même avec cette précision l’article reste flou car toute dérogation est synonyme d’une violation de la loi que les autorités publiques légalisent pour des raisons peu évidentes. L’exemple des dérogations dans le domaine de l’urbanisation est devenu une niche de dysfonctionnements graves et de corruption dont le dernier cas a éclaté au grand jour dans l’affaire du directeur urbain de Marrakech.
L’article 31 de la loi 30-09 ne déroge pas seulement à la règle mais il est incompatible avec l’article 12 de la constitution comme l’avait signalé, en son temps, notre confrère et ami le spécialiste en droit du sport, Yahia Saidi. L’article 31 stipule en effet que : « En cas de violation grave par une fédération de ses statuts ou de la législation et de la réglementation qui lui sont applicables… l’administration peut procéder à la dissolution de l’organe directeur fédéral… ». Or l’article 12 de la constitution est bien clair sur ce juste où il dispose que seule la justice est habilitée à prendre des décisions dans ce sens: « Les associations de la société civile et les organisations non gouvernementales se constituent et exercent leurs activités en toute liberté, dans le respect de la constitution et de la loi. Elles ne peuvent être dissoutes ou suspendues par les pouvoirs publics qu’en vertu dune décisions de justice». Autant dire qu’avec toutes ces incohérences la loi sur l’éducation physique risque d’avoir sur notre sport l’effet d’un cautère sur une jambe de bois.