Par Abdelghani AOUIFIA*
Yang Jiechi, haut responsable de la politique étrangère chinoise, rencontrera, lundi à Rome, Jake Sullivan, Conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche. Une rencontre vue avec optimisme prudent à Beijing où les experts évoquent « un signal positif » pour le monde en ces temps de haute incertitude.
Dans la capitale chinoise, la rencontre a été annoncée dans une brève déclaration du Porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian, qui s’est contenté de dire que les deux hommes devront procéder à un échange de vues sur les relations bilatérales et sur d’autres questions régionales et internationales d’intérêt commun.
Cependant, les experts savent que la rencontre sera dominée par un large éventail de questions d’une très grande importance stratégique.
On parle évidemment de la crise en Ukraine et du rôle que Beijing peut jouer pour contenir le problème en usant de son influence auprès de la Russie, pays avec lequel elle entretient un partenariat plus que stratégique.
Les experts chinois, dont les commentaires servent d’indice pour jauger la pensée officielle à Beijing, estiment que la rencontre de Rome, qui intervient quatre mois après un premier échange entre les deux responsables à Zurich, montre que le mécanisme de communication de haut niveau fonctionne toujours entre les États-Unis et la Chine. Il s’agit, selon eux, d’un signal positif au monde en cette actuelle conjoncture.
Sur le dossier précis de la crise en Ukraine, les experts soulignent que cette crise « ne doit pas être utilisée » par l’Occident pour semer la discorde entre la Chine et son partenaire russe.
Le conflit ukrainien représente actuellement une source de grande préoccupation pour Beijing et Pékin, estime Lu Xiang, chercheur à l’académie chinoise des sciences sociales.
Dans le contexte de cette crise, qui n’est que le reflet d’une confrontation plus large entre la Russie et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), il est important pour les dirigeants américains d’avoir une idée claire sur la position de la Chine, a-t-il dit, ajoutant que la Chine, pour sa part, a besoin de savoir comment les États-Unis comptent agir dans l’actuelle situation.
Contrairement à la rencontre d’octobre dernier, le rendez-vous d’aujourd’hui entre Yang et Sullivan représente « un moment de vérité » durant lequel les deux capitales seront appelées à parvenir à « une vision plus raisonnable » de leurs relations bilatérales et au-delà de l’ordre mondial.
La semaine dernière, la Chine s’est dite prête à travailler avec les autres membres de la communauté internationale en vue de rétablir la paix en Ukraine, tout en appelant les parties à faire preuve de retenue.
La Chine s’est toujours gardée de condamner les opérations militaires russes en Ukraine, en dépit des pressions occidentales.
Dans toutes leurs sorties sur cette question, les hauts responsables chinois n’ont eu de cesse d’appeler au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des pays, tout en mettant l’accent sur la nécessité de prendre en compte les préoccupations sécuritaires de chaque partie. Ils se sont également prononcés en faveur de la mise en place d’un nouveau mécanisme européen de sécurité qui soit équilibré et efficace.
Pour Beijing, les sanctions contre la Russie ne feront qu’empirer davantage la situation sans parler de l’impact économique sur le monde dans sa globalité.
Outre la question ukrainienne, d’autres questions tout aussi importantes seront au menu des discussions entre Yang et Sullivan. Il s’agit notamment de la situation dans la péninsule coréenne où la tension semble s’accentuer suite au tests balistiques effectués par une Corée du Nord toujours aussi belliqueuse dans ses agissements.
Les questions économiques dans cette conjoncture d’incertitude et la concurrence entre les deux pays devront également être évoquées par Yang et Sullivan, indiquent les analystes.
La Chine et les États-Unis, respectivement première et deuxième puissance économique mondiale, sont conscientes de l’impact énorme de la crise ukrainienne sur leurs économies qui tentent de se relever de l’impact de la crise pandémique liée au Covid-19.
Les perspectives de croissance économique compliquées par les conflits et par une pandémie qui refuse de se replier devront amener les deux capitales à trouver un terrain d’entente pour permettre à leurs économies de retrouver leur vitesse de croisière, indiquent les analystes de la place pékinoise.
Rome pourrait marquer, dans ce contexte, un nouveau départ vers un nouveau compromis pour repositionner les relations entre les deux superpuissances et dessiner d’une manière plus précise la trajectoire future de cette relation.
*Journaliste MAP