Le football entre le professionnalisme des amateurs et l’amateurisme des professionnels

Le Maroc qui était un exportateur de footballeurs formés localement est devenu un importateur de professionnels marocains nés, formés et exerçant dans des clubs étrangers. Les dirigeants successifs de la FRMF n’ont cessé de faire appel aux nationaux de l’étranger pour former une sélection nationale compétitive. Leur seule priorité était et l’est toujours de courir derrière les résultats mais sans grande ambition sauf celle d’être qualifiés à la Coupe du monde ou la CAN. Pour ce faire, ils font appel à des sélectionneurs étrangers moyennant des salaires exorbitants qui, de surcroît, apportent dans leurs valises des adjoints et des préparateurs physiques tout aussi chèrement payés.

Une stratégie qui n’a jamais été fructueuse même quand la fédération avait recruté le sélectionneur belge, Eric Gerets, avec un salaire mensuel on ne peut plus déraisonnable de 2,7 millions de dirhams (200.000 euros) sans oublier les autres avantages (logement, voiture et autres). Résultat : le Maroc a été éliminé au premier tour de la CAN 2012 après deux défaites face à la Tunisie au Gabon.

Quel gâchis ? D’autant que les émoluments d’Éric Gerets correspondaient à 75% des salaires cumulés des entraîneurs présents lors de cette compétition.

Lors de la CAN 2019 Hervé Renard qui se prenait pour le messie du football africain a fait, à peine, mieux que Gerets en se qualifiant pour le deuxième tour mais en s’inclinant devant le Bénin. Les U 23 (moins de 23 ans) alimentés, eux aussi, par des joueurs étrangers ont connu la débâcle en étant éliminés de la CAN, qualificatives aux JO 2020. Il en est de même pour la sélection féminine et les U 17 (moins de 17 ans) sortis du premier tour de la CAN en Tanzanie.

En résumé, l’équipe nationale de football éliminée à la CAN avait évolué avec 19 professionnels issus de clubs étrangers et seulement 4 joueurs locaux. Il en est de même pour les plus jeunes (U 23 et U17) qui ne sont jamais allés plus loin que leurs aînés malgré les moyens techniques et financiers mis à leur disposition.

Autant dire que la stratégie adoptée par les fédérations successives en faisant une fixation sur le haut de la pyramide et en oubliant la formation de base ne pouvait mener qu’à des échecs répétitifs. Cette stratégie déficiente a été malheureusement adoptée par les dirigeants des clubs qui se sont beaucoup préoccupés des résultats que de la formation des jeunes joueurs. Il ne faut pas s’étonner, outre mesure, que notre football ne produise plus de joueurs locaux compétitifs quand on donne peu ou prou d’importance à la formation des jeunes. Il est vrai que certains clubs disposent d’académies ou d’écoles de jeunes mais elles ont toujours manqué de moyens et surtout de techniciens avérés. La plupart des clubs font appel à d’ancien joueurs pour superviser ces académies alors qu’ils ne disposent ni de compétences pédagogiques, ni techniques pour dispenser des cours de football.

Une excellente étude réalisée par le cabinet de conseil marocain Episteme a montré que le Maroc était le premier importateur continental de joueurs professionnels avec seulement 17% de joueurs locaux lors de la CAN 2019. Le Maroc était classé dernier en matière de joueurs formés localement alors que l’Egypte avait joué avec 100% de joueurs locaux.

Lors du Mondial 1998, l’équipe nationale comportait 16 joueurs formés initialement dans les clubs marocains et seuls 7 joueurs ont fait leur école dans les clubs européens. Dommage que cette étude ne soit pas allée plus loin dans son retour historique pour intégrer l’année 1976 où l’équipe nationale a remporté sa seule Coupe d’Afrique.

Les héros de cette époque étaient tous des amateurs : Ahardane, Chérif, Baba, Glaoua, Smiri, Hazzaz, Semmate, Tazi, Zahraoui, Faras, Asila, Haddadi, Abouali, Dolmy, Jawad, Moujahid, Mehdi, Fettah, Laalou et Guezzar.

C’est dire que les amateurs du professionnalisme d’antan étaient mieux compétitifs que les professionnels de l’amateurisme d’aujourd’hui.