De nombreux détenus du Hirak, qui observaient une grève de la faim depuis plus d’une une semaine à la prison d’El-Harrach à Alger, ont été transférés vers d’autres établissements pénitentiaires du pays, selon des avocats de la Défense.
« Parmi la quarantaine de détenus grévistes, 13 ont déjà été transférés vers la prison de Bouira, et une dizaine d’autres vers la prison de Berrouaghia, à Médéa », a précisé l’avocat Abdelghani Badi, membre du Collectif de la défense, cité par les médias locaux.
Il rappelle que cette décision intervient plus d’une semaine après la grève de la faim, déclenchée par les détenus de la prison d’El-Harrach à Alger pour protester contre « les poursuites et les fausses accusations dont ils sont les victimes » ou encore contre la prolongation « abusive » de leur détention préventive.
Plusieurs détenus comptent également, par cette grève de la faim, exprimer leur rejet de l’article 87 bis, à l’origine des chefs d’inculpations qui pèsent sur eux, étant accusés d’appartenance à des organisations terroristes, le MAK et Rachad, en l’occurrence.
« Ils rejettent les chefs d’inculpation retenus contre eux sur la base de l’article 87 bis du code pénal qui les accuse de terrorisme », a affirmé Me Badi, ajoutant que ces détenus se considèrent comme étant des « détenus d’opinion ».
Pour sa part, l’avocate Fetta Saddat a souligné, en commentant la décision de transférer ces détenus politiques vers d’autres établissements pénitentiaires, qu’ »il s’agit bien d’une pratique en déphasage avec les textes de loi, considérant que tout détenu dont la situation pénale demeure pendante (sans procès et sans jugement) ne devrait pas quitter la prison de sa juridiction ».
Pour Me Abdellah Haboul, tout transfèrement selon la loi doit se faire dans le respect de la réglementation en vigueur.
Il a, par ailleurs, rappelé que la grève de la faim est un droit des détenus, régi par l’article 64, ajoutant que tout détenu est dans l’obligation d’informer l’administration pénitentiaire de son intention d’observer une grève de la faim.
« Jusque-là, tout semblait en règle. Mais, il se trouve que l’administration de la prison d’El-Harrach était réticente à cette grève », ajoute la même source, précisant que face à cette réticence, les détenus ont tout de même décidé de faire cette grève.
« Et c’est quand l’opinion publique a pris connaissance de cette action que des parties se sont retrouvées visiblement agacées. D’où la décision de recourir au transfèrement des détenus » explique Me Haboul.
Il fait état d’ »une autre anomalie car, cette décision aurait été prise sans l’avis des juges d’instruction, alors que l’article 12 du décret de 2007 est clair.
S’il s’agit d’un détenu inculpé, il ne peut être procédé au transfèrement d’un détenu qu’après avis de la juridiction devant laquelle il est poursuivi », a-t-il détaillé.
« Est-ce que le ministère de la Justice, en décidant de transférer ces détenus, a demandé l’avis des juges instructeurs ? La question mérite d’être posée », estime-t-il, en expliquant, par ailleurs, que ce transfert répond à plusieurs objectifs.
« D’abord cela permettra d’éloigner les détenus de leurs avocats, ensuite cela pénalisera les familles des détenus qui vont devoir effectuer de longs déplacements pour leur rendre visite », dit-il, en faisant remarquer qu’il s’agit donc d’une « sanction claire » en plus d’être une « mesure disciplinaire ».
Il a souligné qu’évidemment, « il y a l’objectif politique : briser l’élan de cette grève ».
Pour rappel, le Parquet général près la cour d’Alger avait démenti les informations selon lesquelles des détenus de la prison d’El-Harrach auraient lancé un mouvement de grève de la faim. Mais, deux jours après ce démenti, le Comité de défense des détenus a confirmé, dans un communiqué, que « des dizaines de détenus continuent leur grève de la faim » à la prison d’El-Harrach.