À quoi servent les flyers au juste? Tu ouvres la porte, ils t’accueillent. Tu vois des visages que tu ne connais pas. Des visages vus sur les pages des journaux. Des visages que tu crois avoir vus sur l’écran de ton téléviseur qui te rappellent que c’est vraiment vrai. Ton petit écran te nargue à l’occasion. Tu peux même avoir l’impression qu’il te parle. Il y a des couleurs qui te font remonter tes souvenirs à la surface de ton immédiateté. Tu n’y peux rien, tu composes avec d’impromptus visiteurs qui s’invitent chez toi.
Par curiosité, tu te dis pendant qu’on y est autant bien recevoir, même à distance, ces visiteurs. Pas de thé à offrir, on lit ce qu’ils nous imposent de lire. Et tu lis !
Bien que ce n’est pas émouvant, tu essaies de comprendre cette logique. Celle d’inconnus, pour toi pas pour ceux qui les paient pour te bourrer la boîte aux lettres, qui sillonnent rues et ruelles.
Ce matin, j’ai rencontré deux groupes du côté de la Médina de Casablanca. Deux groupes de deux formations politiques en compétition.
Le premier groupe est à quelques mètres du deuxième. Par respect du « code de la route électoral », ce dernier s’arrête. Le « meneur » prend son téléphone. Il paraît qu’il consulte « plus meneur » que lui. Son groupe attend les « consignes ». Arrêt de dix minutes sous le soleil de ce milieu de journée du vendredi 3 septembre.
Visiblement, les échanges téléphoniques, mercredi 1er septembre, entre les « patrons » des « grandes » formations politiques ont eu l’effet escompté.
En fait, après les regrettables confrontations, il y a eu appel à l’apaisement. Les tensions débridées, personne n’en a besoin. Et puis, avant de « salir » un processus, cela salit davantage les partis et met à nu leur incapacité de gérer les leurs. Je réfléchis en suivant l’arrêt des uns et le mouvement des autres.
Je ne fais pas dans la micro-sociologie, mais les arrêts sur images, ces jours-ci, seraient-ils mon dada !?
Je profite de l’occasion pour aller vers le groupe tout près de moi. Il est composé de femmes d’un certain âge et de jeunes filles et garçons, voire de nourrissons. À leur parler, j’apprends que ce « monde mobile », qui bat les pavés, n’a pas de liens particuliers avec le parti qu’ils promeut. Encore moins avec les quartiers à sillonner. Je demande à une femme ce qu’elle fait là, elle me répond: » Je distribue ces « wri9ate » et j’en tire 100 dirhams la journée. Les temps sont difficiles et c’est une bonne chose pour moi et pour ma famille. « Sreyyafe a waldi ». D’ailleurs, ma fille est avec l’autre groupe, ajoute-t-elle, en le pointant du doigt.
À la question de savoir pour quel parti elle va voter, la bonne femme, sans masque, sourit et fait son chemin en suivant le meneur qui décrétera le chemin à suivre. Le groupe s’évanouit dans la foule indifférente de cette rue étroite qui sent le poulet, le poisson, les frites et le couscous en ce vendredi.
Habité par cette séquence, je quitte le lieu.
Certes pas comme les échéances précédentes, mais je vois des flyers à même le bitume. Les visages des candidats et des candidates traînent sur les avenues au gré du mouvement du vent.
Je ne suis pas surpris de voir des « irrégularités », en me disant que ceux qui sont censés, de par leurs statuts de candidats aux élections, respecter les lois les transgressent en pleine campagne. Au vu et au su de tout le monde, soit dit en passant !
Chemin faisant, je « rencontre » des slogans. Sur les vitrines de certaines boutiques, dans des salons de coiffure, sur les vitres de quelques gargotes, snacks et petits restaurants.
Mon étonnement semble avoir étonné un agent de sécurité à l’entrée d’un immeuble. Je l’apostrophe pour savoir ce qu’il en pense. Du tac au tac, il me répond: « Les électeurs n’ont qu’à voir ce que les candidats font, en cours de campagne, pour faire leur choix ! ».
D’un signe de la tête, où le dépit se conjugue à la résignation, il prit congé de moi.
Je fais mon chemin rempli de mes questionnements et de mes silences.