L’enfant philosophe

Y a-t-il une nécessité primordiale d’apprendre à philosopher à l’école ? La Chaire de l’UNESCO dédiée à la pratique de la philosophie avec les enfants a rappelé que l’action relative au développement d’un esprit critique, c’est d’abord « contribuer à lutter contre l’ignorance, le dogmatisme ou le fanatisme ».

Restons modestes et essayons d’appréhender ce sujet si délicat dans notre contexte. La première question qui vient à l’esprit, est ce que les enfants sont capables de conceptualiser, problématiser et argumenter? Cette question repose sur un mythe qui considère que l’enfance est un moment d’apprentissage. Il est impensable d’imaginer qu’un enfant peut exercer l’acte de philosopher. La philosophie est considérée comme une pratique lourde de sens et exige à celui qui veut la pratiquer d’avoir une solide expérience humaine dans le domaine du savoir.

Apprendre à philosopher aux jeunes ne passe pas par un cursus scolaire bien établi. Mais c’est un moment privilégié qui peut s’organiser en atelier. Donner la parole à chacun sans juger, ni donner son avis, libérer la parole autour des sujets qui nous préoccupent. L’enfant au sein de cet espace innovant, est loin d’être considéré comme un réceptacle mais comme un être qui réfléchit par ses propres moyens relatifs à sa perception du monde. Les mots prononcés par ces enfants sont simples mais l’enseignant qui se transforme en modérateur assure la circulation de ces mots pour faire émerger les idées. Ces jeunes ont beaucoup de choses à nous dire car ils nous observent malgré qu’ils soient submergés par énormément d’informations. Il est temps de mettre de l’ordre dans les idées.

Philosopher à l’école c’est sortir – même pour un laps temps- de ce vieux chemin de l’apprentissage. Mettre l’école au service de la pensée. Il y a plusieurs méthodes pour mettre en place cette nouvelle pratique qui sont proposées par des philosophes dont François Galichet. Ce dernier est convaincu par cette phrase: « Tout le monde a vocation d’être philosophe ». Cette certitude, nous rappelle la démarche de Socrate en tant que « philosophe urbain » qui a choisi la rue comme lieu de rencontre avec l’autre en l’occurrence les jeunes. Socrate a élaboré un rite qui consiste à poser des questions aux gens en prétendant ne rien savoir: « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien ». Les réponses engendrent des questions et les idées foisonnent tout en donnant lieu à un agora de philosophes.

L’appel de l’UNESCO n’a pas trouvé encore un écho à la hauteur des enjeux pressentis pour une telle initiative. Mais ça reste un chantier à entreprendre dans un monde où les tragédies nous alertent sur la nécessité d’inculquer l’esprit critique à nos jeunes en prenant en considération les valeurs humanistes, l’égalité entre les hommes et les femmes dans la perspective d’un dialogue apaisé et respectueux entre toutes les cultures.