Lors d’un récent voyage professionnel à Fès, j’eus la chance et surtout l’honneur de rencontrer des maîtres artisans marocains, dans la plus pure tradition nationale.
Ce que j’y vis et vécus c’est plus de l’amertume, teintée de fatalisme, résultat d’une situation pandémique dont les retombées les moins visibles sont pour le moins dramatiques.
Au fur et à mesure de mes nombreux entretiens, et surtout des informations récoltées, ma profonde conviction que ces métiers qui fondent non seulement nos traditions mais également un pan de la marque de fabrique marocaine au niveau international, souffrent de manière dramatique.
Nonobstant les retombées économiques de l’artisanat en termes de création de richesse nationale, faisant vivre des millions de ménages, le drame vécu de ces détenteurs de nos traditions ancestrales n’émeut presque personne.
Ni les autorités de tutelle censées présider à leurs destinées, ni les autorités régionales ou locales, qui ont adopté le sacro-saint principe de résilience… même si cette résilience suppose un principe de solidarité nationale hélas vite démembré face aux logiques mercantiles.
Nous le savons, à chaque situation de crise, les spéculateurs n’ont de cesse d’en profiter économiquement, en l’absence d’une vigilance et surtout d’une stratégie nationale de prévention…
J’en veux pour preuve les prix des matières premières relatives à ces savoir-faire ancestraux, multiplié plusieurs fois en moins de deux années, avec un prix de vente final souvent divisé par deux.
Sauvegarder le patrimoine artisanal requiert des actes concrets vis-à-vis de ces milliers de professionnels opérant dans le secteur, en termes de protection sociale, de régulations de l’offre et de la demande (entre autres), d’autant plus qu’ils ne commercialisent généralement pas leurs produits auprès des consommateurs finaux.
Ces différents métiers qui sont l’un des fondements de notre marocanité, sont en train de se disloquer en silence et vivent un émiettement progressif de leurs chaînes de production dans un tacite et ambiant anonymat.
Signalons que ces métiers sont classés par la Maison de l’Artisan, établissement public en charge de la promotion des produits de l’artisanat du Maroc, selon une dizaine de catégories : arts de la terre, du cuir, du bois, du textile, du métal, de la bijouterie, du bien-être, de la vannerie et autres.
C’est dire l’hétérogénéité de ces métiers qui peinent de nos jours à trouver des compétences humaines prêtes à prendre la relève, d’autant plus que la formation nationale en la matière est défaillante.
Dans une, deux ou trois décennies, un salon marocain à l’international où nos produits courants seraient de l’histoire ancienne, sera vraisemblablement une réalité si nos décideurs ne prennent pas conscience de cette faillite humaine, sociale et économique qui est en cours ; une faillite dont le temps est le meilleur des alliés.