Usages licites du cannabis: ce qui va changer concrètement

Le directeur général de l’Agence pour la promotion et le développement du Nord (APDN), Mounir El Bouyoussfi, a affirmé que l’agence, dotée d’une expérience de plus de 25 ans dans la réalisation de programmes de développement, se penche actuellement sur l’élaboration d’un programme de développement ambitieux pour accompagner la mise en oeuvre du projet de loi relatif aux usages licites du cannabis, après son approbation.

Ce programme intégré, qui ciblera 98 communes rurales relevant des provinces concernées par la culture du cannabis et dont la population atteint un million d’habitants, repose sur trois piliers essentiels: social, économique et environnemental, a précisé M. El Bouyoussfi dans un entretien accordé à la MAP.

S’agissant du pilier social, le responsable a fait savoir que l’APDN œuvre à l’élaboration d’un ensemble de projets pour l’accompagnement des habitants des zones concernées, notamment les jeunes, afin de créer des activités et services sociaux au profit de la population, tandis qu’en termes économique, des programmes d’appui aux projets générateurs de revenus seront élaborés, outre l’aménagement de certaines zones d’activités économiques dans les communes.

Au niveau environnemental, des projets écologiques pour la préservation de l’environnement seront mis en place, afin d’améliorer l’espace territorial, a-t-il ajouté.

Le projet ambitieux de légalisation de la culture du cannabis et ses usages licites, ainsi que le programme de développement que les pouvoirs publics mettront en œuvre dans la région visent en priorité la réduction des disparités sociales et l’amélioration des indicateurs économiques et sociaux des communes afin de créer un équilibre territorial, a estimé M. El Bouyoussfi, expliquant que le programme de développement vise la transformation des centres émergents en petites villes et municipalités, afin de permettre aux habitants de bénéficier de services publics et privés disponibles dans les villes.

Le projet de loi, qui intervient dans le cadre des changements internationaux dans ce domaine, notamment la décision de l’ONU de retirer le cannabis de la liste des stupéfiants les plus dangereux, vise dans un premier temps à aider les cultivateurs de cannabis à pratiquer cette culture de manière légale et publique, a-t-il fait savoir, relevant que la régulation de cette culture permettra également aux agriculteurs de s’adonner à d’autres activités génératrices de revenu, à l’instar du tourisme, les produits du terroir et l’artisanat.

Il faut préciser que le projet de loi relatif aux usages licites du cannabis, élaboré en harmonie avec les engagements internationaux du Royaume du Maroc, vise la réglementation de l’usage licite de cette plante à des fins médicales, cosmétiques et industrielles, a poursuivi le responsable, révélant que le marché international des produits médicaux du cannabis enregistre une croissance annuelle estimée à 30%, ce qui offre l’opportunité pour le Maroc d’accéder au marché international et faire en sorte d’assurer un positionnement stratégique au sein de ce marché, sachant que les pays voisins disposant d’un environnement et d’un climat similaires ne tarderont pas, à leur tour, à s’impliquer dans cette culture.

Pour M. El Bouyoussfi, le projet de loi est une bonne alternative raisonnable à la situation actuelle dans cette région, puisqu’il nous place face à deux choix exclusifs: Saisir cette opportunité et avancer dans le processus de légalisation ou maintenir le statu quo, ce qui signifie laisser les agriculteurs exposés aux risques de poursuites judiciaires, d’emprisonnement, de problèmes sociaux, de violence, de peur, d’absence de stabilité et de sécurité familiale, et de pauvreté.

Par ailleurs, il a indiqué que le projet de loi relatif aux usages licites du cannabis a trois objectifs et dimensions essentielles et stratégiques. Le premier objectif est d’ordre social, puisqu’il permettra aux habitants de cette région, notamment les agriculteurs et cultivateurs, de s’impliquer dans une activité agricole rationnelle, légale, et dans de bonnes conditions, loin de la peur et de la clandestinité.

Quant à l’objectif économique du projet de loi, a-t-il poursuivi, il consiste en l’amélioration des revenus des agriculteurs et du niveau de vie de la population. « Si le projet de loi stipule que chaque agriculteur ne peut cultiver que le tiers de ses terres à des fins légales, les revenus attendus, selon les études dont nous disposons, seront doublés en comparaison avec les cultures illicites. Ajoutons à cela que les agriculteurs pourront exploiter les deux tiers restants de leurs terres pour d’autres activités de production », a expliqué le responsable.

M. El Bouyoussfi s’est également arrêté sur le troisième objectif, d’ordre environnemental. En effet, selon le responsable, les cultures actuelles contribuent à l’appauvrissement des terres à cause de l’usage intensif des engrais et l’épuisement de la nappe phréatique, en raison de l’utilisation excessive des ressources hydriques.

« Nous perdons chaque année environ 1.000 hectares de forêts depuis 1975. La réglementation de la culture du cannabis contribuera, sans nul doute, à atténuer ces dysfonctionnements », a-t-il insisté.

Le projet de loi concerne exclusivement les régions connues pour cette culture, et n’englobe nullement les autres régions du Maroc, a soutenu M. El Bouyoussfi, rappelant que les efforts consentis par l’Etat ont permis durant les années passées de réduire la superficie cultivée en cannabis, passant de 134.000 hectares en 2003 à environ 55.000 hectares en 2016, selon les données officielles de l’ONU, et ce grâce aux programmes de développement réalisés pour le lancement de cultures et activités alternatives.